mercredi 19 novembre 2008

II. Chansons andalouses d'amour et d'ivresse



1.Yâ nâs a-mâ ta‘dhirûnî


Bonnes gens, soyez indulgents envers moi
À propos de ce qui m’est advenu.

Même les censeurs, ont eu pitié de moi
Tant je passe mes nuits à guetter les étoiles.
Par Dieu, comment ai-je pu m’éprendre
De celle qui refuse l’union ?
Mais, j’en fais le serment, je ne perdrai pas espoir
Jusqu’à ce que je gagne son cœur
Et qu’elle vienne partager la coupe avec moi
Au grand dépit des envieux et des censeurs ;
Je dirai alors : ô vous dont les âmes sont subtiles,
Mon ivresse est devenue agréable.

Même les censeurs, ont eu pitié de moi
Tant je passe mes nuits à guetter les étoiles.


2 Tuwayyarî masrâr

Mon petit oiseau au charme secret
N’accepte point la tyrannie.
Bec d’or et gorge vermeille,
Il chante haut et clair
Et aux convives tient compagnie.
Mais un coup d’aile et le voilà parti,
Délaissant nos demeures désertes ;
Çà et là, il s’en va quêter son bonheur,
Puis sur ma main, revient se poser :
“ tant que durera la vie,
nul autre que moi ne sera ton ami ”.

3.Mâ dhâ nahît qalbî

Ami, j’ai eu beau dissuader mon cœur d’aimer
Mais l’amour est un don du Seigneur
Afin que nos âmes y trouvent la joie.
Patiente donc, ô mon cœur,
Car la patience est la clé du bonheur.
Elle ensorcelle avec des yeux langoureux
créés pour la souffrance des amoureux.
Ses prunelles ont décidé de mon trépas,
J’ai alors révélé mon secret,
Et ceux qui l’ignoraient, le connaissent désormais.

4 Hibbî al-ladhî rânî na‘shaqu

Je partage ma coupe
avec la belle dont je suis épris ;
Dieu demandera des comptes
À celui qui sème le trouble dans son cœur
Et lui enseigne la tyrannie et l’évitement :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.

Nous vivions sans reproches, dans l’harmonie,
Aucun nuage n’obscurcissait notre firmament,
Et mon âme lui appartenait :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.

Chaque fois que je la rencontrais,
Humble et soumis, je baisais sa main ;
Mais elle redoublait de tyrannie :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.

Iblîs, le Maudit, l’a trompée
Et de moi l’a détournée ;
Je souffre tant que je crie de douleur :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.

Hier encore, nous étions enlacés,
Et voilà qu’aujourd’hui elle m’abandonne,
Dieu demandera des comptes
À celui qui sème le trouble dans son cœur
Et qui lui enseigne la tyrannie et l’évitement :
Ô mon Dieu, je veux me repentir.













5.Mâ taftakar yâ ghazâlî


Ô ma gazelle, as-tu donc oublié
L’affection qui nous liait,
La douceur des nuits d’antan
Et ma passion éperdue pour toi ?
Je souhaite que la reine des belles
Connaisse la joie après l’adversité .
Le malheur comme le bonheur sont inévitables,
Et chacun récoltera les fruits de ses actes ;
Ô mon Dieu, à Ta vigilance ne peut se dérober
Celui qui a trahi son bien-aimé.


6 Yâ lawn al-‘asal

Ô ma brune à la peau couleur de miel,
Qu’as-tu donc à me reprocher ?
Mon amour pour toi est infini,
Et tu m’accables de tes griefs.
L’espion jaloux tente de nous séparer,
Pourtant, à toi, tout mon être est soumis ;
Profite, ma belle, d’un instant de bonheur ici-bas.

Amant, jamais ne désespère
De celle dont ton cœur est épris ;
Si elle s’éloigne, cours te rapprocher d’elle ;
Peut-être qu’auprès d’elle tu trouveras
Une issue à ton malheur.
Mais les belles sont ainsi : boudeuses et fuyantes,
Et les amants, face à elles, sont désarmés.
Venez donc profiter d’un instant de félicité
Entre rameaux en bourgeons et jasmin,
Au son des douces mélodies que lancent
Les oiseaux et le rossignol si éloquent ;
Profite, ma belle, d’un instant de bonheur ici-bas.














7 Qabbaltu yadâ-h qâla lî

J’ai embrassé ses mains, elle m’a demandé :
- Mais que cherches-tu donc ?
- L’union, lui ai-je dit ;
- Tu rêves, mon pauvre ami ;
- Pourquoi donc ? Lui ai-je demandé ;
- Mon petit cœur en a ainsi décidé ;
- Je vais mourir alors ;
- Tu seras un martyr, m’a-t-elle dit.
Ô ma reine, ma sultane.

J’ai embrassé ses mains, elle m’a demandé :
- quel est ton but ?
- l’union, lui ai-je répondu ;
- longue sera ton attente ;
- et pourquoi donc ?
- mon cœur te déteste ;
- Je vais mourir alors ;
- Meurs donc, tu n’es pas irremplaçable.
Ô ma reine, ma sultane.

8 Yâ man darâ man na‘shaqu

Qui peut me dire pour quelle raison, celle dont je suis épris,
Avec moi aujourd’hui est fâchée ;
Chaque fois qu’elle me rencontre,
elle n’a pour moi que des mots blessants.
Que Dieu punisse celui qui l’a troublée,
A cause de lui, elle m’a abandonné.
C’est un espion jaloux qui, avec perfidie,
A détourné celle qui fut mon amie.
Pourtant, je lui avais tout sacrifié,
Je demande à Dieu le courage de patienter.














9 Dîr al ‘uqâr


Échanson, fais passer les coupes
Et remplis la mienne aussi.
Que ton vin chasse mes ennuis,
Et me redonne vie!
Aujourd’hui, la lumière de mes yeux est revenue ;
Ma gazelle m’a rendu visite,
Face à moi, elle s’est assise,
Et, comme un astre, m’a illuminé.
Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.

Ma belle m’a rendu visite,
Et pour elle je fais la fête ;
J’ai préparé les meilleurs mets
Et des vins aux sublimes saveurs
Quant à l’espion qui nous épie,
C’est dehors qu’il passera la nuit.
Lève-toi et sers ma gazelle, échanson,
Jusqu’à ce qu’elle étanche sa soif.
Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.

Par Dieu, remplis les coupes, ami,
que ton vin chasse mes ennuis,
Et sers la lumière de mes yeux aussi.
Verse-nous à boire de ton vin
À l’ombre des feuillages en ce jardin.
Sous la tonnelle, qu’il est doux de boire,
Le cœur en fête, au comble de la joie.
Qu’il est doux de boire,
Joue contre joue, avec sa bien-aimée.

















10 Isma‘ balâbil al-afrâh, (dîl), p. 31

Écoute les rossignols en fête,
Ne chantent-ils pas à tue-tête :
Qu’il n’y a que les êtres doués de raison
qui dilapident leur fortune dans la boisson ?

Celui que ne préoccupe ni vin ni musique
Ne le comptez ni parmi les ‘Adjam ni parmi les Arabes
Considèrez-le comme un égaré, que cela lui plaise ou non.
Lève-toi et remplis nos coupes
Et dis à celui qui nous blâme :
Ne dilapident leur fortune dans l’ivresse
Que les êtres doués de raison.

11 Mudh badat shams-u l-muhayya, (m’djanba), p. 37

Quand le soleil de son visage est apparu
Dans le ciel de sa beauté
La boisson est devenue agréable
Et le printemps
, dans toute sa splendeur, est arrivé .

Le printemps est arrivé, impétueux,
Lève-toi et aligne mes coupes,
Verse à boire avec abondance de ce vin frais
Qui donnera sa plénitude à ma fête ;
Verse-nous à boire et laisse-nous tituber d’ivresse,
Puisque tout ce qui vit est appelé à disparaître.
Dis-nous : bonheur et santé ;
Et regarde le jardin, regarde le bien,
Il s’est paré de ses habits paradisiaques,
Et les oiseaux chantent sur les branches
À mes côtés, ma belle, pareille à un astre,
Prépare un mélange de vins vieux ;
La boisson est devenue agréable
Et le printemps
, dans toute sa splendeur, est arrivé .

12 Adir al-mudâm, (m’djanba), p. 44

Fais tourner les coupes de vin
Et bois avec celui dont tu es épris,
Au grand dépit de ceux qui te blâment,
Indifférent aux qu’en-dira-t-on.
Sers le vin, commensal,
Remplis nos coupes de ce vin vieux!
Et soumets-toi humblement
à celui que tu aimes passionnément .
cesse de me blâmer,
compagnon de ma vie
toi qui es pareil à l’astre ;
je t’adore, toi qui as le regard de la gazelle.

Je t’adore, reine des belles,
Toi que n’afflige pas ma peine,
Tu as des yeux langoureux et impudents.
Des yeux noirs qui décochent des traits aux amoureux
Que puis-je faire, ô croyants ?



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