mercredi 14 octobre 2009

Les Maqâmât: Genre littéraire


Les Maqâmât (les Séances) sont des histoires assez brèves mettant en scène deux personnages principaux : un bourgeois, qui est le narrateur, et un vagabond rusé et voleur. Le texte est rédigé en prose rythmée (sadj´), parfois mêlée de vers. Ce genre littéraire, apparu au Xe siècle, sera traité jusqu’au XIXe siècle avec des succès variables. À l’origine, il semble avoir été cultivé par les secrétaires d’administration. Le créateur du genre est un Persan : Abû al-Fadl Ahmad ibn al-Husayn al-Hamadhânî (968-1008). Il donne à ses Maqâmât une perfection stylistique et une fraîcheur d’inspiration qui ne seront plus retrouvées par ses imitateurs, y compris par al-Harîrî dont l’œuvre est pourtant plus célèbre que la sienne. C’est Hamadhânî qui invente le couple du narrateur un peu naïf et de l’homme du peuple, astucieux et sans scrupules. Attentif aux milieux populaires et à leurs codes de langage, il fait une place assez grande à la truanderie. Une « Séance » est même consacrée à l’argot de la pègre. Cet intérêt pour larrons et mendiants est une constante de la littérature arabe et se relève déjà chez Jâhiz (m. vers 868), par exemple dans son Hiyal al-lusûs (« les ruses des voleurs »), comme dans plusieurs contes des Mille et une nuits.
Mais ce sont les cinquante Maqâmât de l’Irakien al-Harîrî (1054-1122) qui jouiront de la plus grande notoriété. Dans cet oeuvre qui s’inspire de près de celle d’Hamadhânî, le vagabond, qui s’appelle Abû Zayd al-Sarûjî, est peut être inspiré d’un personnage réel, un Syrien du Nord, réfugié en Irak après la prise de Sarûj par les Croisés. L’auteur, qui était chef du service des renseignements à Basra, l'aurait personnellement connu. Véritable fil conducteur des Maqâmât, Abû Zayd parcourt tout l’Orient abbasside, de Baghdad à Samarkand et se mêle aux divers représentants de la société. Tous seront ses dupes.
L'effort d’al-Harîrî se porte moins sur le contenu de l’histoire que sur sa forme : il multiplie métaphores, énigmes et jeux de mots. Des vocables très rares sont consignés. Par là, l’auteur donne au genre une sorte de classicisme tout en le figeant hors de sa source d'inspiration première. Du vivant même de l’auteur, les Maqâmât étaient devenues classiques et plus de 700 copies circulaient.
L’œuvre d’al-Harîrî fut bien vite connue en Espagne musulmane où elle fut imitée, parfois en d’autres langues que l’arabe. Yehûdâ ben Shlômô Hârîzî (1165-1255) la traduisit en hébreu, puis composa lui-même cinquante Maqâmât qu’il intitula Sefer Tahkemôni. En hébreu encore, son contemporain Jacob ben Eleazar de Tolède rédigea dix autres Maqâmât sous le nom de Meshâlîm (les Paraboles). Au Moyen-Orient, à la fin du XIIIe siècle, le métropolite de Nisibe, ‘Abdîsho, écrivit une version en syriaque. Au XIVe siècle, les imitations se multiplient, que ce soit en Orient ou en Occident musulman, et s'appliquent même à des sujets religieux. Le genre restera vivant jusqu’au XIXe siècle, y compris auprès des auteurs chrétiens de langue arabe, comme le Libanais Nâsîf al-Yazidji (1800-1871) qui en a fait un pastiche réussi.
Les Maqâmât ont-elles inspiré la littérature européenne ? Elles font songer à un genre littéraire très apprécié en Espagne pendant le Siècle d’Or (XVIe siècle) et qu’on appelle le roman picaresque. Toutefois, on ignore si les Maqâmât ont été traduites en latin ou en roman au cours du Moyen Âge. Cependant, il est bien évident que le « picaro » espagnol ressemble par bien des traits à Abû Zayd al-Sarûjî et que la grande diffusion de l’ouvrage en Espagne permet de supposer une influence directe ou indirecte.

BIBLIOGRAPHIE

Brockelmann, C., « Makâma », in Encyclopédie de l’Islam, Paris, 1991, t. VI, p. 105-113.
Abu Haydar, J., « Maqâmât literature and the picaresque novel », in JAL III, 1974.
Kilito, A., Les Séances, Paris, 1983.
Source: http://www.qantara-med.org/qantara4/public/show_document.php?do_id=1377

Maqâmât et maqâm
Le terme arabe maqam désigne initialement en arabe la « place du marché », lieu de rassemblement où des conteurs récitent ou improvisent des histoires pour l'édification ou l'amusement du public. Par extension, maqam (au pluriel maqamat), en est venu à désigner un genre littéraire, constitué par un style de récits en prose assonancée, produits d'une improvisation pleine de virtuosité, mêlant les prouesses rythmiques et phonétiques.
Ce genre, créé par al-Hamadhani (968-1008) fut porté à son point d'aboutissement chez al-Hariri (1054-1122).
De laborieuses traductions de ces « séances » ont été tentées à diverses époques, sans jamais épuiser les richesses d'un genre qui, faisant appel à tous les raffinements de la langue arabe, a nécessité, même en arabe, d'infinis commentaires pour tenter d'en élucider toutes les allusions et les préciosités.
Destinés au plaisir du lecteur, les maqamat, dont le fil conducteur est l'humour, sont le plus souvent composés d'un dialogue entre le narrateur et un héros principal (Abou-l-Fath al-Iskandari chez al-Hamadhani, Abou Ziyad al-Sarouyi chez al-Hariri) qui se promène dans le monde et rapporte ses diverses aventures ; ces récits, entrecoupés çà et là de courts poèmes rimés, sont l'occasion de portraits ironiques de divers types humains, d'anecdotes prises sur le vif, dans la vie quotidienne du monde arabo-musulman du Moyen Âge.
Source: http://www.larousse.fr/encyclopedie/ehm/maqamat/180661

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