dimanche 11 octobre 2009

Mahmoud Darwich n'est pas mort, il est vivant dans chacun de ses poèmes


لا أعرف الصحراء

Sublime poète, Sublime poésie et voix qui résonne
même après l'Envol de l'albatros arabe vers les cieux!



لا أعرف الصحراء،
لكني نَبتّ على جوانبها كلاما...
قال الكلام كلامهُ ، ومضيت
لم أحفظ سوى الإيقاع
أسمعه
وأتبعه
وأرفعه يماما
في الطريق إلى السماء,
سماء أغنيتي،
أنا ابن الساحل السوري،
أسكنه رحيلاً أو مقاما
بين أهل البحر،
لكن السراب يشدني شرقاً
إلى البدو القدامى،
أورد الخيل الجميلة ماءها،
وأجس نبض الأبجدية في الصدى،
وأعود نافذة على جهتين...
أنسى من أكون لكي أكون
جماعة في واحدٍ، ومعاصراً
لمدائح البحارة الغرباء تحت نوافذي،
ورسالة المتحاربين إلى ذويهم:
لن نعود كما ذهبنا
لن نعود ... ولو لماما!
لا أعرف الصحراء،
مهما زرت هاجسها،
وفى الصحراء قال الغيب لي:
أكتب!
فقلت: على السراب كتابة أخرى
فقال: أكتب ليخضر السراب
فقلت: ينقصني الغياب
وقلت: لم أتعلم الكلمات بعد
فقال لي: أكتب لتعرفها
وتعرف أين كنت، وأين أنت
وكيف جئت، ومن تكون غداً،
ضع اسمك في يدي واكتب
لتعرف من أنا، واذهب غماما
في المدى ...
فكتبت: من يكتب حكايته يرث
أرض المكان، ويملك المعنى تماما!
لا أعرف الصحراء،
لكني أودعها: سلاما
للقبيلة شرق أغنيتي: سلاما
للسلالة في تعددها على سيفٍ: سلاما
لابن أمي تحت نخلته: سلاما
للمعلقة التي حملت كواكبنا: سلاما
للشعوب تمر ذاكرة لذاكرتي: سلاما
للسلام علي بين قصيدتين:
قصيدة كتبت
وأخرى مات شاعرها !
أأنا أنا؟
أأنا هنالك ... أنا هنا؟
في كل "أنت" أنا,
أنا أنت المخاطب, ليس منفى
أن أكونك. ليس منفى
أن تكون أناي أنت. وليس منفى
أن يكون البحر والصحراء
أغنية المسافر للمسافر:
لن أعود, كما ذهبت,
ولن أعود ... ولو لماما!

Je ne reviens pas, je viens

Entretien du 7 février 1996 à Amman publié dans la revue israélienne Hadarim n° 12, printemps 1996 et traduit de l'hébreu par Simone Biton.
N° 9 nouvelle série - automne 1996 - Revue d'Études Palestiniennes (Éditions de Minuit)
Extraits

(…)

YELIT YESHURUN : Y a-t-il un seul de vos poèmes qui ne soit pas écrit à partir de l'exil ? La situation d'exil n'est-elle pas une concrétisation de la position du poète dans le monde, de tout poète dans sa patrie ou en exil ?

MAHMOUD DARWICH : On peut dire de tous mes écrits qu'ils sont une poésie d'exilé. Je suis né exilé. L'exil est un concept très vaste et très relatif. Il y a l'exil social, l'exil familial, l'exil dans l'amour, l'exil intérieur. Toute poésie est l'expression d'un exil ou d'une altérité. Lorsqu'elle correspond à un vécu réel, c'est un exil concentré, comprimé. Je trouve l'exil dans chacun des mots que je cherche dans mon lexique. Mais je ne m'en plains pas. Après tout, l'exil a été très généreux pour mon écriture. Il m'a donné la possibilité de voyager entre les cultures, entre les peuples.

YELIT YESHURUN : L'exil a enrichi votre poésie. Il lui a permis la transformation qui manquait tellement dans ce que vous écriviez avant de quitter le pays.

MAHMOUD DARWICH : C'est vrai. Mais permettez-moi seulement de corriger les concepts : avant, je croyais que la poésie participait de la lutte, aujourd'hui je ne pense pas qu'elle ait une fonction immédiate. L'influence poétique est très lente, c'est une affaire d'accumulation. Ce qui m'a permis d'adoucir le ton est la distance. La distance m'a permis de m'observer moi-même, d'observer l'occupation, le paysage et la prison, en y ajoutant une mesure de sainteté ; la poésie s'est transformée en culte de la beauté, un culte libéré de toute obligation. Disparaître ailleurs est une libération. Moins on vous connaît, plus vous vous connaissez vous-même. C'est aussi une question de maturité. Je lisais davantage, j'ai écouté la poésie européenne. J'ai appris à pardonner. Car en fin de compte, nous sommes tous des exilés. Moi et l'occupant, nous souffrons tous deux de l'exil. Il est exilé en moi et je suis la victime de son exil. Nous tous, sur cette belle planète, nous sommes tous voisins, tous exilés, la même destinée humaine nous attend, et ce qui nous unit est le besoin de raconter l'histoire de cet exil.

YELIT YESHURUN : Le rapport entre la "terre" et la "poésie" nourrit tous vos poèmes. En quoi consiste-t-il ?

MAHMOUD DARWICH : La terre est ma première mère. Je suis né d'elle et à elle je retournerai. La terre recèle en elle le cercle de l'existence humaine. Elle est notre ciel concret. Un ciel inversé, pourrait-on dire. Nous nous élevons, puis nous descendons et nous nous endormons. C'est peut-être par là que nous rencontrerons Dieu, par la terre. Comme la terre m'a été enlevée et que j'en ai été exilé, elle s'est transformée en origine et en adresse de mon esprit et de mes rêves. Ce sont des circonstances extérieures au lieu que la terre occupe dans mon travail. Le symbole de la patrie. Elle est toute la nostalgie et les rêves de retour. Mais on ne doit pas la considérer seulement comme un lieu circonscrit. Elle est aussi la terre du monde, et cela aussi est à la base de mon travail. La terre est une synthèse : elle est à l'origine de la poésie, et elle en est aussi la matière et le langage. Parfois la terre et la langue sont inséparables. La terre est l'existence physique de la poésie.

YELIT YESHURUN : Dans votre poésie des dix dernières années je sens de plus en plus un rapprochement avec la conception juive qui a mûri pendant des siècles d'exil : le texte face à la réalité, le lieu abstrait face au lieu physique. Dans Une mémoire pour l'oubli, vous écrivez : "Nous n'avons vu du Liban qu'une langue nous rendant à l'instinct de l'existence". Et dans un autre passage : "La Palestine n'était plus une patrie mais un slogan vide de sens". Je sais que la comparaison entre le destin juif et le destin palestinien vous révolte, car elle implique une sorte de "compétition" pour savoir qui est plus victime que l'autre.

MAHMOUD DARWICH : Tout d'abord, cette comparaison ne me choque pas s'il s'agit de profondeur littéraire. En ce domaine le nationalisme n'existe pas. Je pense que ce complexe qui consiste à accepter ou à refuser la comparaison sera résolu avec la paix. Le Juif n'aura pas honte de la composante arabe qui est en lui, et l'Arabe n'aura pas honte de déclarer qu'il est également fait de composantes juives. Surtout qu'il s'agit de la même terre, Eretz Israël en hébreu, Palestine en arabe. Je suis le produit de toutes les cultures qui sont passées dans ce pays, la grecque, la romaine, la perse, la juive, l'ottomane. Cette présence existe jusque dans ma langue. Toute culture forte y a laissé quelque chose. Je suis le fils de toutes ces cultures, mais je n'appartiens qu'à une seule mère. Est-ce à dire que ma mère est une prostituée ? Ma mère est cette terre qui a accueilli tout le monde, qui a été témoin et victime. Je suis aussi le fils de la culture juive qui fut en Palestine. C'est pourquoi je ne crains pas la comparaison. Mais la tension politique - si Israël est présent, les Palestiniens doivent s'absenter, et si les Palestiniens sont là, Israël ne peut y être - a fait que nous avons refusé de nous considérer comme nés des mêmes conditions et nous sommes devenus rivaux dans la question de savoir qui de nous est davantage la victime de l'autre. J'ai déjà vu des sionistes perdre l'esprit lorsqu'on leur rappelle les génocides perpétrés contre d'autres peuples. Comme Elie Wiesel, qui a écrit qu'il se demande comment on a pu dire que ce qui se passe en Bosnie est un génocide. Comme s'il y avait là un monopole juif.

(…)

YELIT YESHURUN : Dans Une mémoire pour l'oubli, vous écrivez : "Il nous faut savoir ce que nous désirons (...) : notre pays, ou l'image de nous-mêmes loin de notre pays, ou bien encore l'image de notre nostalgie pour notre pays à l'intérieur du pays". Nostalgie pour la chose en elle-même ou pour son reflet ?

MAHMOUD DARWICH : Les grands mots tels que patrie, révolution, patriotisme, recouvrent des choses fragiles. La patrie est un vaste concept, mais lorsqu'on va dans sa patrie on cherche un arbre particulier, un rocher particulier, une fenêtre. Ce sont des composantes très chaleureuses, pas un drapeau ou un hymne national. Je languis des petits détails. Votre question sur la chose ou son reflet prépare le terrain de mon cœur à la déception. Mais pour que je puisse arriver à me poser cette question, m'accorderez-vous au moins le droit de revenir ?!

YELIT YESHURUN : Voici plusieurs années que l'on vous considère comme le poète national des Palestiniens et que vous êtes l'objet de leur admiration. Ce statut ne menace-t-il pas votre devenir en tant que poète ? Ne vous emprisonne-t-il pas ?

MAHMOUD DARWICH : Tout dépend de ce que l'on veut dire par "national". Si un poète national est un représentant, et bien je ne représente personne. Je ne suis pas responsable de la manière dont mes textes sont lus. Mais la voix collective est présente dans ma voix personnelle, que je le veuille ou non. Même lorsque je raconte une triste soirée d'hiver à Paris, chaque Palestinien pense que je le représente, que cela me plaise ou non. Je n'y peux rien. Mais si l'on veut dire qu'un poète national est celui qui exprime l'esprit du peuple, je l'accepte, c'est beau. Tous les poètes du monde rêvent que leur voix soit aussi celle des autres. A mon grand regret, lorsque les critiques me désignent ainsi, ils veulent dire que je suis le poète d'une communauté, ils tentent de confiner le texte au domaine du politique. Or, dans nos vies, la politique n'est pas une affaire de partis, c'est plutôt l'un des noms du destin. Je me tiens au milieu, sur la frontière entre la voix publique et la voix personnelle. Mais vraiment, je m'en fous ; peut-être que si l'on m'oubliait, je la désirerais à nouveau. Ce qui compte pour moi, c'est de me sentir libre. Le fait même qu'il y ait une attente pour un nouveau poème de moi me gêne, mais je ne succombe pas à cette attente. A chaque fois que j'écris un poème d'amour, on dit que c'est un poème pour la terre.

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