mardi 6 septembre 2011

Poèmes et chants d’Andalousie

La plume, la voix et le plectre
Poèmes et chants d’Andalousie

En attendant la réédition de La plume, la voix et le plectre, paru en 2008 chez Barzakh, j'offre à mes visiteurs et lecteurs de larges extraits de l'ouvrage que j'ai consacré aux Poèmes et chants d’Andalousie

Prologue

Réminiscences célestes

Quand le musicien arabe saisit son luth ou son rabab (1) et improvise un istikhbâr ou un mawwâl (2), il accomplit un geste magique qui le relie aussitôt au monde des “sphères supérieures”. Car, comme l’ont affirmé certains soufis, nos âmes ont visité le Paradis et y ont goûté des mélodies divines. Mais nos préoccupations terrestres nous les ont fait oublier.

"Nous avons tous entendu cette musique au Paradis, écrivait Mawlana
Jalal ud-din Rumi. Bien que l'eau et l'argile de nos corps aient fait
tomber sur nous un doute, quelque chose de cette musique nous
revient en mémoire."

L’histoire de toute musique ne serait alors que la quête ininterrompue des musiciens afin de retrouver ces mélodies célestes originelles. Leurs efforts ne tendraient qu’à se réapproprier ce que nos âmes ont entendu avant d’être enfermées dans l’opacité des corps physiques.

Quand le muezzin appelle les fidèles à la prière, il chante et fait vibrer nos êtres. Quand le lecteur de Coran récite et psalmodie les Versets divins, il chante aussi et rapproche celui qui l’écoute du Souffle Originel. L’Imam Abû Hâmid al-Ghazali proclamait:

“Celui qui n’a pas été remué par les fleurs du printemps et les cordes du luth a une âme corrompue pour laquelle il n’existe aucun remède”.



Même si, pour accompagner son chant, le musicien a recours à son instrument, la musique arabe est impensable sans la voix du chanteur. Par sa voix, l’interprète transmet l’émotion qui l’étreint. Une complicité s’établit alors entre le messager inspiré et l’auditeur raffiné et exigeant dont l’âme a soif de révélations subtiles. C’est le sens profond de ce qu’on appelle “majalis al-ouns“, ces moments où une communion profonde se crée entre celui qui chante et ceux qui écoutent. Musique, chant, interprètes et auditeurs ne font plus qu’un dans cette wihdat at-tarab, une forme d’empathie émotionnelle que les vrais amateurs de musique recherchent dans chaque concert.


La musique éveille l’âme par la joie qu’elle procure, mais aussi par le “spleen“ qu’elle fait naître dans le cœur en ravivant tous les souvenirs enfouis et les blessures accumulées. Les peines d’amour, les affres de la séparation et la douleur des attentes déçues refont surface. De même, on se souvient de l’innocence de l’enfance et des illusions de l’adolescence. Puis, comme par magie, la voix du chanteur, les sons des instruments ou les paroles d’un poème viennent panser les plaies et remplir de joie l’âme de celui qui est à l’écoute.

L’auditeur perçoit la musique autant avec son “histoire personnelle “ qu’avec la culture acquise dans la société où il a reçu son éducation. Et le thème qui provoque le plus ce sentiment de profonde nostalgie est celui de la perte de ce paradis réel ou mythifié : al-Andalus. L’Espagne fut musulmane pendant plusieurs siècles et lorsqu’elle fut perdue, ses anciens habitants n’acceptèrent jamais leur exclusion définitive et crurent longtemps à un possible retour dans leur patrie. C’est la raison pour laquelle les Andalous transmirent à leurs descendants, de génération en génération, les clés de leurs demeures abandonnées de l’autre côté de la mer.

Ils léguèrent aussi à leurs héritiers leur profond chagrin et des chants poignants de nostalgie. Ils y racontent leur attachement à un mode de vie qui fut exemplaire à leur époque. Ils étaient célèbres pour leur joie de vivre et d’aimer ainsi que pour leur soif d’absolu durant les siècles qui ont précédé la chute du dernier rempart musulman : Grenade.

Malgré cette tragédie, les chants andalous sont toujours vivants comme le sont les arbres et les rivières qui les ont vus naître. Ils sont vrais comme le furent les joies et les peines des hommes et des femmes qui ont inspiré leurs auteurs.

NOTES

1. Le rabab est l'instrument emblématique de la musique arabo-andalouse. C’est un instrument à cordes frottées doté d'une ou de deux cordes. Le corps de l'instrument est fait de bois creusé. On utilise un archet très recourbé pour faire vibrer les cordes. De nos jours, il est uniquement employé au Maghreb dans les orchestres de musique classique, malheureusement il a tendance à être remplacé par le violon au son plus clair. Sa tessiture dans le registre ténor et le son très particulier qu'il produit en font l'instrument le plus proche de la voix humaine.
2. Termes techniques utilisés en Algérie et au Maroc pour désigner une improvisation vocale et instrumentale sans accompagnement de la percussion. L’istikhbâr et le mawwâl donnent au chanteur la possibilité de montrer sa faculté d’improviser et de faire preuve de son imagination musicale

1 commentaire:

Pas à Pas a dit…

Je crois qu'entre les reliures du fond d'écran, il est difficile de lire tes textes.

Cordialement, "Pas à Pas"