mardi 20 novembre 2012

Mille et une Nuits Qamar et Boudour : sixième nuit

 



Notes du cours du 14 Novembre 2012
Par Paul Lucas (étudiant en L1)






الليلة 206
 : قالت شهرزاد

بلغني أيها امللك السعيد أن امللك شهرمان قبل رأي الوزير في ذلك اليوم ونام تلك الليلة وهو مشتغل القلب على ولده ألنه كان يحبه محبة عظيمة حيث لم يكن له سواه ، وكان امللك شهرمان كل ليلة ال يأتيه نوم حتى يجعل ذراعه حتت رقبة قمر الزمان وينام ، فبات امللك الليلة وهو متشوش اخلاطر من أجله وصار يتقلب من جنب إلى جنب كأنه نائم على جمر اللظى وحلقه الوسواس ولم يأخذه نوم في تلك الليلة بطولها : وذرغت عيناه بالدموع وأنشد قول الشاعر لقد طال ليلي والوشاة هجـوع ........ وناهيك قلباً بالفـراق مـروع أقول وليلي زاد بالهم طـولـه ........ أما لك يا ضوء الصباح رجوع : وقال آخر
لا رأيت النجم سـاه طـرفـه ........ والقلب قد ألقى عليه سباتـا
: وقال آخر
لا رأيت النجم سـاه طـرفـه ........ والقلب قد ألقى عليه سباتـام وبنات نعش في احلداد سوافرا ........ أيقنت أن صباحه قد مـاتـا . هذا ما كان من أمر امللك شهرمان وأما ما كان من أمر قمر الزمان فإنه ملا قدم عليه الليل قدم له اخلادم الفانوس وأوقدوا له شمعة وجعلها في شمعدان وقدم له شيئاً من املأكل فأكل قليالً وصار : يعاتب نفسه حيث أساء األدب في حق أبيه امللك شهرمان وقال في نفسه ? ألم تعلم أن ابن آدم رهني لسانه وأن لسان اآلدمي هو الذي يوقعه في املهالك ولم يزل يعاتب نفسه ويلومها حتى غلبت عليه الدموع واحترق قلبه املصدوع وندم : على ما خرج من لسانه في حق امللك غاية الندم وأنشد هذين البيتني يوت الفتى من عثرة في لسانه ........ وليس ميوت املرء من عثرة الرجلم فعثرته من فيه تقضي بحتـفـه ........ وعثرته بالرجل تبرأ على مـهـل ثم إن قمر الزمان ملا فرغ من األكل والشرب طلب أن يغسل يديه فغسل من الطعام . وتوضأ وصلى املغرب والعشاء وجلس


Après avoir lu cette nuit, le lecteur est appelé à s’interroger sur la nature du lien qui rattache
Shahraman à son fils Qamar az-Zaman. Certes, l’amour que son père porte à son fils est somme toute naturel, de même que paraît compréhensible son affliction à voir son fils éloigné de lui, emprisonné dans une des tourelles de la forteresse du roi, mais dans une chambre où tout le confort lui a été assuré.

Rappelons que ce dernier a osé contredire son père devant tous les représentants du royaume ! On a d’abord l’impression que l’amour du père pour son fils est excessif, ce premier ne pouvant jamais se séparer de lui, au point de dormir avec lui, toutes les nuits, la tête de l’enfant sur les bras du roi. De fait, dans cette nuit (celle de son emprisonnement), l’absence de son fils l’empêche de trouver le sommeil. On pourrait déjà avancer deux raisons qui justifieraient un tel comportement.
- Première raison : l’attachement du père a son fils, dont la naissance a été tant désirée, ( peut être dû au fait qu’il est l’unique héritier du royaume).
- Deuxième raison, plus probable, est le rôle de substitution que son père va lui attribuer. Shahraman adopte un comportement infantilisant vis-à-vis de son fils, comme si ce dernier ne pouvait dormir seul à son âge. D’ailleurs, cette peur de la séparation, semble n’avoir de prise que sur Shahraman, comme si son fils ne dormant pas avec lui, serait perdu à jamais. Il faut aussi remarquer l’absence du rôle de l’épouse, qui aurait pourtant dû jouer un rôle plus grand dans l’histoire, tant sa naissance avait été sujet à tant d’angoisses pour Shahraman. En fait, Qamar az-Zaman remplace dans cette histoire l’épouse, sa place étant restée vacante. De fait, la présence de cette dernière aurait pu s’avérer être gênante, le père ne pouvant adopter un tel comportement en sa présence.

Cependant, la présence d’autres éléments dans le texte nous montre que la relation fils- père
est encore plus ambigüe qu’elle n’y paraît. Ainsi, la présence d’expressions telles « son cœur brisé s’embrasa », « le sommeil n’eut aucune prise sur lui », ainsi que le poème anonyme appartenant au genre ghazal, cité par le père nous rappelle plutôt le comportement d’un amant éprouvé par la séparation de sa bien aimée plutôt que celle d’un père pour un fils. D’où le caractère incestueux de la relation suggérée par le texte. Cet aspect incestueux est renforcé par la présence dans la troisième nuit d’un poème relativement classique jurant sur la beauté de Qamar az- Zaman, reprenant de nombreux termes et expressions en vogue lors de la période abbasside avec l’ emploi d’ expressions telles , « son duvet de myrte », « le rose de ses joues », « même un soleil dans tout son éclat ne l’atteindrait point », autant de termes et d’expressions qui servent d’ habitude a décrire la beauté … d’une femme. La présence du poème dans cette nuit- là trouve maintenant toute sa justification.

Mais attardons nous sur le thème (en arabe gharad) de l’amour, suggéré dans cette nuit, qui
nous intéresse ici. L’amour englobe de fait nombre des sous-thèmes ou « motifs » tels la séparation, la rencontre etc. S’y insèrent ensuite des « motifs secondaires », ces motifs secondaires étant des manifestations de ces mêmes motifs, par exemple, les pleurs de l’amant, la maigreur et bien sûr l’insomnie, qui frappe Shahraman, comme dans ce vers extrait du quatrain incrusté dans cette nuit : « ma nuit est longue et les délateurs s’assoupissent ». Remarquons d’ ailleurs la présence dans cet hémistiche d’un des quatre ennemis des amants. Énumérons-les :
-le raqîb, (le guetteur, le surveillant) engagé par la famille pour épier les amants
-le wâshi, (le délateur, le calomniateur) qui dénonce et dit du mal des amoureux
-le censeur (‘adhûl), qui se fait représentant de la morale sociale
-le blâmeur ( lâ’im).       

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