samedi 28 septembre 2013

Maqâma, par Charles Pellat


maḳāma



Évolution sémantique du terme.

L’étude sémantique de ce vocable jusqu’à la création du genre se complique du fait que le pluriel maḳāmāt, qui est fréquemment employé, est commun à deux termes, maḳāma et maḳām [q.v.]. Tout deux dérivent du radical ḳwm (ق.و.م ) qui implique l’idée de «se lever, se dresser pour accomplir une action», mais s’affaiblit souvent pour ne plus marquer que le début d’une action, même si l’agent ne se lève pas, et perd même sa valeur dynamique pour prendre celle, statique, de «se tenir en un lieu».

Maḳām figure 14 fois dans le Ḳurʾān avec le sens général de «séjour, endroit où l’on se tient», tout spécialement dans l’Au-delà, mais, dans un verset (XIX, 74/73) où il est en corrélation avec nadī «conseil de la tribu», il doit désigner une réunion de notables; il en est de même dans un vers de Zuhayr b. Abī Sulmā (S̲h̲uʿarāʾ al-Naṣrāniyya, 573, v. 6: maḳāmāt ... andiyā).

Par ailleurs, dès l’époque archaīque, maḳām avait naturellement le sens de «situation, état», et, dans un vers de Kaʿb b. Zuhayr (Bānat Suʿād, éd.-trad. R. Basset, Alger 1910, v. 41), le maḳām du poète, véritablement dramatique, est jugé terrifiant (hāʾil) par le commentateur. Il est probable qu’un dépouillement de la poésie ancienne fournirait des attestations plus précises et éclairantes, mais il semble bien que, par suite d’un glissement de sens, à partir d’une «situation tragique», maḳām ait désigné une bataille, un combat, une mêlée et que, du fait d’une confusion des deux termes ou simplement des exigences du mètre, maḳāma ait pris également cette acception.
Dans un vers de Ḏj̲arīr en -sī (S̲h̲arḥ Dīwān Ḏj̲arīr. éd. Ṣāwī, Caire, s.d., 326, v. 1 de la 2e pièce), maḳāma paraît ¶ bien signifier, non point mad̲j̲lis «assemblée» (comme le glose l’éditeur qui se borne à reproduire la définition des dictionnaires), mais «combat»; de même, dans un vers d’Abū Tammām en -dā (Badr al-tamām s̲h̲arḥ Dīwān Abī Tammām, éd. M. I. al-Aswad, Beyrouth 1347/1928, I, 222, v. 5), maḳāma (lu muḳāma par l’éd., mais glosé par «scène d’actions guerrières») est en relation avec muʿtarak et a sans aucun doute le sens de «théâtre de prouesses guerrières». Dans les autres notations de ce genre, c’est le pluriel qui est attesté, et l’on ne sait à quel singulier il correspond. En tout cas, c’est bien dans le sens de «combats, faits d’armes» qu’il convient d’entendre ce pluriel dans un passage du Kītāb al-Buk̲h̲alāʾ d’al-Ḏj̲āḥiẓ (éd. Ḥād̲j̲irī, 184, l. 2; préciser dans ce sens la trad. Pellat, 289), où il est question de Bédouins parlant des combats de l’époque antéislamique (ayyām [q.v.]) et des maḳāmāt, des actes d’héroïsme.

Dans les assemblées de notables, l’éloquence coulait naturellement à flot, et il n’est pas étonnant que, par suite d’un autre glissement de sens, maḳām ait également désigné les propos tenus au cours de ces réunions, puis, par extension, des discours plus ou moins édifiants prononcés devant un public distingué. Cette évolution est attestée, au IIIe/IXe siècle, par Ibn Ḳutayba [q.v.] qui, dans ses ʿUyūn al-ak̲h̲bār (II, 333-43), intitule Maḳāmāt al-zuhhād 'ind al-k̲h̲ulafāʾ wal-mulūk un chapitre dans lequel sont reproduites des harangues pieuses désignées, au sing., par le terme maḳām.
Avant lui, le Muʿtazilite al-Iskāfī (m. 240/854 [q.v.] avait écrit un K. al-Maḳāmāt fī tafḍil ʿAlī, de même que siècle suivant, al-Masʿūdī [q.v.] (Murūd̲j̲., IV, 441 = §1744) parle des harangues de ʿAlī b. Abī Ṭālib et (V, 421 = § 2175) d’un sermon de ʿUmar b. ʿAbd al-ʿAzīz, prononcés à l’occasion de leurs maḳāmāt, sans qu’on puisse savoir si le sing. correspondant est maḳām ou maḳāma. Quoi qu’il en soit, c’est peut-être en songeant surtout à cette dernière acception, mais en conservant à l’arrière-plan le souvenir des actions d’éclat, qu’al-Hamad̲h̲ānī a adopté maḳāma pour désigner les discours, dans son esprit instructifs, sinon édifiants, d’Abū l-Fatḥ al-Iskandari et les «saynètes», les «séances», au cours desquelles ils sont rapportés par ʿĪsā b. His̲h̲ām, avant que ce terme ne s’applique au genre tout entier et ne finisse, comme on le verra plus loin, par être souvent confondu avec risāla [q.v.].
 W. J. Prendergast (The Maqámát of Badíʿ al-Zamán al-Hamad̲h̲ání, Londres-Madras 1915, reprod. avec avant-propos de C. E. Bosworth, Londres-Dublin 1973, 11-14) a réuni un certain nombre d’attestations de maḳāma et maḳāmāt dans la poésie et la prose jusqu’à Badīʿ al-zamān, mais la recherche la plus poussée est celle de R. Blachère, Étude sémantique sur le nom maqāma, dans Machriq, 1953, 646-52 (réimpr. dans Analecta, Damas 1975, 61-7).

Genèse du genre.

Dans les maḳāmāt dont parle Ibn Ḳutayba, c’est souvent un Bédouin ou un personnage d’allure plutôt minable, mais extrêmement disert, qui harangue une assistance aristocratique. Devant un public populaire, un rôle analogue était dévolu au ḳāṣṣ [q.v.] qui tenait, à l’origine, des discours édifiants, mais qui n’a pas tardé, on le sait, à se muer en un conteur doublé d’un véritable bateleur, dont l’activité était, dans un certain sens, comparable à celle du mukaddī [q.v.], du mendiant vagabond ou du truand qui allait de ville en ville et rassemblait aisément autour de lui un auditoire charmé par des récits d’aventures propres à délier les bourses.
 Il se trouve que le premier à avoir introduit dans la littérature arabe ces personnages hauts en couleur est probablement al-Ḏj̲āḥiẓ [q.v.], qui leur a consacré un assez long développement dans le Kitāb al-Buk̲h̲alāʾ et au moins deux autres écrits sur les ruses des voleurs (Ḥiyal al-luṣūṣ) et des truands (Ḥiyal al-mukaddīn), dont al-Bayhaḳī (Maḥāsin. éd. Schwally, I, 521-3, 622-4) a conservé des extraits malheureusement trop brefs (voir Pellat, Arabische Geisteswelt, Zurich-Stuttgart 1967= The Life and works of Jāḥiẓ, Berkeley-Los Angeles 1969, textes XLII et XLIII).
L’intérêt porté par l’aristocratie et les hommes de lettres, non seulement aux classes populaires, mais aussi aux membres du «milieu» est remarquablement illustré par la Ḳaṣīda sāsāniyya d’Abū Dulaf al-Ḵh̲azrad̲j̲ī (IVe/Xe siècle [q. v.]) qui a donné à C. E. Bosworth l’occasion d’écrire un magistral ouvrage (The mediaeoal underworld, the Banū Sāsān in Arabic society and literature, Leyde 1976, 2 vol.) auquel on ne peut que renvoyer le lecteur, qui y trouvera en particulier un premier chapitre très documenté sur les vagabonds et les mendiants, ainsi qu’une discussion (97-9) des opinions émises sur la genèse de la maḳāma.
 Dans cette création, il est en effet permis de déceler une influence certaine de la littérature antérieure relative aux aventures de certains éléments marginaux de la société, et notamment de la ḳaṣīda d’Abū Dulaf (cf. al-T̲h̲aʿālibī, Yatīma, Damas 1885, III, 176). A cette influence, il faut sans doute ajouter celle des mimes [voir ḥikāya], car la maḳāma contient un aspect théâtral indéniable, au moins dans le déguisement du héros et l’attitude du récitant.
Assez récemment, A. F. L. Beeston (The genesis of the maqāmāt genre, dans Journal of Arabic Literature, II (1971), 1-12) s’est efforcé de montrer que la renommée d’al-Hamad̲h̲ānī était en quelque sorte surfaite et que la littérature anecdotique représentée notamment par al-Farad̲j̲ baʿd al-s̲h̲idda de son contemporain al-Tanūk̲h̲ī (329-84/939-94 [q.v.]) mettait également en scène des personnages d’apparence misérable qui se révèlent doués d’un exceptionnel talent oratoire. L’opposition entre l’aspect extérieur et l’éloquence ou la sagesse est un lieu commun de l’adab, et si la littérature anecdotique mise en relief par Beeston a certainement exercé une influence, elle n’est pas la seule.

Dès 1915, Prendergast (op. laud., 6) avait relevé et traduit un passage désormais célèbre du Zahr al-ādāb (éd. Z. Mubārak, Caire 1344, I, 235; éd. Bud̲j̲āwī, Caire 1972/1953, I, 261) d’al-Ḥuṣrī (m. 413/1022 [q.v.]) qui affirme qu’al-Hamad̲h̲ānī a imité (‘ârada) les 40 ḥadīt̲h̲s d’Ibn Durayd [q.v.] et composé 400 «séances» sur le thème de la kudya, de l’activité des mukaddūn. Après que Margoliouth eut, dans la première édition de l’EI (s.v. al-Hamād̲h̲ānī) fait crédit à ce passage, Z. Mubārak, en 1930, adopta ce même point de vue dans al-Muḳtaṭaf (LXXVI, 412-20, 561-4) et le reprit dans sa thèse sur La prose arabe au IV siècle (Paris 1931), alors que, dans le même volume du Muḳtaṭaf (588-90), Ṣādiḳ al-Rāfiʿī avait réfuté ses arguments en mettant l’accent sur la faiblesse de la source sur laquelle il s’était fondé.
R. Blachère et P. Masnou (al-Hamadāni, Choix de Maqāmāt, Paris 1957, 15) critiquent l’exploitation de la donnée fournie par al-Ḥuṣrī et écrivent que la seule conclusion directe à en tirer «est qu’à la fin du Xe siècle ou au début du suivant, un lettré musulman avait découvert un rapport de filiation entre les Séances de Hamadāni et des récits attribués à un philologue poète d’Iraq, Ibn Duraid»; après Prendergast, ces auteurs observent qu’aucun ouvrage de ce genre ne figure dans la liste des œuvres d’Ibn Durayd, et C. E. Bosworth, dans l’avant-propos de la réédition de Prendergast, conclut que l’information d’al-Ḥuṣrī est suspecte. A l’appui de cette opinion, un compatriote de ce dernier, Ibn S̲h̲araf (m. 460/1067 [q.v.]), fournit par son silence un argument de poids, car il déclare au début de ses Masāʾil al-intiḳād (éd.-trad. Pellat, Alger 1953, 5) qu’il s’est inspiré lui-même de Kalīla wa-Dimna, de Sahl b. Hārūn [q.v.] qui, lui aussi, a fait parler des animaux, et de Badīʿ al-zamān, sans faire nulle allusion directe à Ibn Durayd.

D’un autre côté, dans sa notice sur le grand rival d’al-Hamad̲h̲āni, al-Ḵh̲wārazmī (Abū Bakr; 323-83/ 934-93 [q.v.]), Brockelmann (S I, 150) ajoute, après avoir énuméré les mss des Rasāʾil de cet auteur, «nebst Maqāmen, in denen wie bei al-Hamadānī ʿĪsā b. Hišām auftritt»; de surcroît, al-Ḳalḳas̲h̲andī (Ṣubḥ, XIV, 128-38) reproduit, d’après la Tad̲h̲kira d’Ibn Ḥamdūn (495-562/1102-66 [q.v.]), une maḳāma d’Abū l-Ḳāsim al-Ḵh̲wārazmī dans laquelle l’auteur remporte un triomphe sur un savant adversaire apparu au cours d’un voyage. En admettant même qu’al-Ḳalḳas̲h̲andī ait commis une erreur sur la kunya de ce Ḵh̲wārazmī. Cette maḳāma est certainement postérieure aux premières Séances de Badīʿ al-zamān. Il est probablement permis d’en dire autant de la Ḥikāya (A. Mez, Abulkâsim, ein bagdâder Sittenbild, Heidelberg 1902), d’Abū l-Mutahhar al-Azdl [q.v. au Suppl.], dont les rapports avec la maḳāma ne sont pas clairs [voir ḥikāya].

Quoi qu’il en soit, on peut affirmer que l’idée de la «séance» telle que nous la connaissons était dans l’air et que, jusqu’à plus ample informé, le premier à l’avoir saisie pour créer un genre littéraire nouveau est, de l’avis de tous les critiques, al-Hamad̲h̲ānī (358-98/968-1008 [q.v.]). Il ne paraît pas nécessaire, en effet, chaque fois qu’on est en présence d’une innovation, de lui trouver à tout prix un modèle, car la justice la plus élémentaire impose de faire la part de l’invention personnelle. Prendergast (op. laud., 20-1) se demande si Badīʿ al-zamān doit quelque chose à des modèles grecs ou byzantins, mais juge pareille influence tout à fait improbable et conclut que «les mêmes démons de la difficulté, de l’obscurité et du pédantisme ont pénétré les orateurs et les poètes des deux nations à des époques différentes». Cette appréciation, dont la justesse apparaîtra au cours de l’étude de l’évolution de la maḳāma, ne saurait toutefois s’appliquer pleinement à al-Hamad̲h̲ānī. Il est indéniable que cet auteur a subi, dans le cadre même de la littérature arabe et de la société arabo-islamique, différentes influences, mais on doit lui reconnaître le mérite d’avoir, par un louable effort de synthèse, réussi à mettre en scène deux personnages principaux chargés de rôles précis et notamment un héros qui symbolise toute une catégorie sociale.

Structure de la maḳāma originale.

Du point de vue de la forme,
ce genre se caractérise, chez son initiateur, par l’emploi presque constant du sad̲j̲ʿ [q.v.], de la prose rimée et rythmée (parfois mêlée de vers) qui, au IVe/Xe siècle, tendait à devenir le mode d’expression littéraire quasiment général, tout particulièrement dans la classe des secrétaires de l’administration à laquelle appartenait al-Hamad̲h̲ānī, et devait le rester jusqu’à la fin du XIXe siècle. En ce qui a trait à la structure d’une maḳāma prise séparément, la caractéristique fondamentale est l’existence d’un héros (ici Abū l-Fatḥ al-Iskandarī) dont le récit des aventures et les discours éloquents sont rapportés par un narrateur (ici ʿĪsā b. His̲h̲ām) à l’auteur qui, à son tour, les transmet à ses lecteurs. Ainsi que le remarque fort justement, dans un article suggestif, Abd El-Fattah Kilito (Le genre «séance», dans St. Isl., XLIII (1976), 25-51), dans la maḳāma, un texte est recueilli par un rāwī parti à sa recherche et transmis par un second rāwī (l’auteur), de sorte que ce mode de transmission rappelle celui de la poésie ancienne et, plus nettement encore, du ḥadīt̲h̲, avec cette différence que  le texte, le personnage qui le prononce et le premier rāwī sont fictifs. Dans une séance typique, ajoute Kilito (48), les événements se succèdent dans l’ordre suivant: arrivée du rāwī dans une ville, rencontre avec le balīg̲h̲ (l’homme éloquent = le héros) déguisé, discours, récompense, reconnaissance, reproches, justification, séparation. Il va sans dire que ce schéma général ne s’applique pas sans variantes à toutes les maḳāmāt d’al-Hamad̲h̲ānī et encore moins à celles de ses successeurs. Dès le début, cette forme littéraire sert à développer une grande variété de sujets: critique des poètes anciens et modernes, des prosateurs tels qu’Ibn al-Muḳaffaʿ et al-Ḏj̲āḥiẓ, des Muʿtazilites, exposé de l’argot sexuel et du jargon des truands, étalage des connaissances lexicographiques, etc.; six séances de Badīʿ al-zamān célèbrent le bienfaiteur de l’auteur, Ḵh̲alaf b. Aḥmad, maître du Sid̲j̲istān, à qui Margoliouth (art. cité) pense que l’ouvrage entier pourrait avoir été dédié. Il n’est cependant pas certain que toutes ces compositions aient été réunies en un recueil constitué ne varietur. En effet, Ibn S̲h̲araf (op. laud., 5) n’en compte que 20 et ajoute qu’elles ne lui étaient pas toutes parvenues, tandis qu’al-Hamad̲h̲ānī (Rasāʾil, Beyrouth 1890, 390, 516), repris par al-T̲h̲aʿālibī (Yatīma. Damas 1885, IV, 168) et al-Ḥuṣrī (voir supra), prétend en avoir écrit 400, ce qui est fort douteux; les éditions courantes en contiennent chacune 51 (52 au total), de sorte que l’on peut estimer à une cinquantaine le nombre moyen des maḳāmāt de Badīʿ al-zamān en circulation au moyen âge; le chiffre de 50 devait par la suite être artificiellement considéré comme une caractéristique traditionnelle et respecté par plusieurs imitateurs d’al-Ḥarīrī (voir infra) qui l’avait lui-même adopté.

En somme, la maḳāma originale paraît fondamentalement caractérisée par l’emploi à peu près exclusif de la prose rimée (sans préjudice de l’insertion normale de vers) et la présence de deux personnages imaginaires, le héros et le narrateur. Quant à son contenu, elle apparaît comme un ensemble complexe qui fait appel à plusieurs genres tels que le sermon, la description, la poésie sous ses formes diverses, l’épître, le récit de voyage, le dialogue, le débat, etc., ce qui devait laisser aux successeurs d’al-Hamad̲h̲ānī la plus grande latitude pour le choix de leurs sujets.


Évolution du genre.

Ces auteurs n’eurent aucune peine à respecter l’exigence de la forme, à savoir la prose rimée, mais ils ne tardèrent pas à se livrer à des acrobaties verbales dont on rencontre les premières manifestations chez le plus célèbre continuateur de Badīʿ al-zamān, al-Ḥarīrī (446-516/ 1054-1122 [q.v.]). Celui-ci conserve la structure créée par son prédécesseur et met en scène un héros et un narrateur, mais nombre de ses imitateurs allaient se dispenser du premier personnage, sinon des deux. La diversité des thèmes abordés dans la maḳāma primitive devait ouvrir la porte à l’exploitation du genre dans les desseins le plus divers, et l’on verra que si le but du genre est celui de l’adab authentique qui vise à instruire en distrayant au moyen d’un harmonieux mélange de sérieux et de plaisant (al-d̲j̲idd wa-l-hazl [q.v.]), bien des maḳāmāt s’éloigneront de ce projet et suivront sur ce point l’évolution de l’adab qui aura tendance soit à négliger le d̲j̲idd, soit à oublier le hazl.

Par ailleurs, des compositions répondant à peu près aux exigences du genre sont désignées sous un autre nom, tels que ḥadīt̲h̲ ou risāla, tandis que de prétendues maḳāmāt ne possèdent aucun des traits fondamentaux des «séances». Il s’est produit là une évolution similaire à celle du mot ṭabaḳāt qui, après avoir normalement désigné les ouvrages biographiques classés par génération (ṭabaḳa), s’est finalement appliqué à ceux ¶ qui suivent l’ordre alphabétique. Une confusion entre risāla et maḳāma est déjà visible dans la Risālat al-Tawābiʿ wa-l-zawābiʿ d’Ibn S̲h̲uhayd (382-426/ 992-1035 [q.v.]) qui connaissait bien Badīʿ al-zamān puisqu’il met en scène son ṣāḥib, son génie inspirateur (éd. B. al-Bustānī, Beyrouth 1951, 172-4); J. Vernet va même jusqu’à affirmer (Literatura arabe, Barcelone s.d., 114) qu’il s’est inspiré de la maḳāma iblīsiyya pour écrire sa Risāla, qui contient effectivement deux traits de la «séance», la prose rimée et la présence d’un compagnon de l’auteur, en l’occurrence un génie qui interroge les tawābiʿ de divers représentants de la littérature arabe. Un autre témoignage est fourni de bonne heure par Ibn S̲h̲araf (voir supra) qui donne le nom de ḥadīt̲h̲ à ses compositions, tandis qu’un ms. du fragment survivant porte le titre de Masāʾil al-intiḳād et un autre, celui de Rasāʾil al-intiḳād; il s’agit de questions de critique littéraire mises dans la bouche d’un savant chargé d’exprimer ses opinions sur les poètes anciens et modernes, un peu dans la ligne d’al-Hamad̲h̲ānī, mais sans rāwī intermédiaire (voir Iḥsān ʿAbbās, Taʾrīk̲h̲ al-naḳd al-adabī ʿind al-ʿArab, Beyrouth 1391/1971, 460-9).

Ces deux auteurs écrivaient dans al-Andalus où, en revanche, le mot maḳāma devait servir «à désigner n’importe quel exercice rhétorique en prose rimée mêlée ou non de vers, quel que soit le motif qui l’inspire: féliciter un juge de province récemment nommé, accompagner une corbeille de fruits précoces envoyée en cadeau, décrire un paysage, raconter un événement de minime importance ou les hasards d’un voyage, louer ou blâmer ou simplement par caprice ou pour tuer le temps. N’importe quel motif sera valable, et cette composition, revêtue jusqu’à l’asphyxie de tous les atours du langage, de l’érudition et du pédantisme, au point de devenir indéchiffrable, s’appellera indistinctement risāla ou maḳāma, sans que soit tenu compte du thème (si tant est qu’il y ait un thème) ...» (F. de la Granja, Maqāmas y risālas andaluzas, Madrid 1976, XIV). Les remarques précédentes pourraient également s’appliquer à bien des maḳāmāt orientales.


Historique du genre.

Indépendamment du Ḵh̲wārazmī cité plus haut et dont l’époque ne saurait être déterminée, un contemporain d’al-Hamad̲h̲ānī, Ibn Nubāta al-Saʿdī (m, 405/1014) a laissé une «séance» conservée à Berlin (voir Brockelmann, I, 95; Blachère et Masnou, op. laud., 39 et n. 1), mais on ne peut dire si elle est une imitation ou une composition originale. Au IVe/Xe siècle encore, ʿAbd al-ʿAzīz al-ʿIrāḳī est l’auteur d’une maḳāma sur la résurrection (Brockelmann, I, 524). Chronologiquement, c’est ici qu’il faut placer Ibn s̲h̲uhayd (voir supra) et Ibn S̲h̲araf (voir supra) qui se borne à présenter son ḥadīt̲h̲ sous la forme d’une ébauche de dialogue suivie d’un long monologue du savant tenant lieu de héros et de rāwī; on a l’impression que, pour ce lettré tunisien émigré en Espagne, les traits essentiels de la maḳāma sont la prose rimée et l’intervention d’un personnage de fiction qui est beau parleur (balīg̲h̲). C’est ainsi que bien des auteurs postérieurs interprétèrent le projet de Badīʿ al-zamān, quand encore ils ne supprimèrent pas le héros. En tout cas, les œuvres d’Ibn S̲h̲uhayd et d’Ibn S̲h̲araf. sans parler du Zahr al-ādāb d’al-Huṣrī, témoignent de la rapide diffusion des Maḳāmāt d’al-Hamad̲h̲ānī en Ifrīḳiya et dans al-Andalus où, au même siècle, un poète, Ibn Fattūḥ, est l’auteur d’une maḳāma sur les poètes de son temps également présentée sous la forme d’un dialogue (Ibn Bassām, Ḏh̲ak̲h̲īra, 1/2, 273-88; F. de la Granja, op. laud., 63-77), et où Ibn al-S̲h̲āhīd [q.v.] fait raconter un voyage par un membre du groupe de voyageurs en ¶ une maḳāma (Ḏh̲ak̲h̲īra. 1/2, 104-95; F. de la Granja, 81-118) qui a exercé une certaine influence sur le genre tel qu’il a été cultivé en hébreu (voir infra). Ibn Bassām (Ḏh̲ak̲h̲īra, 1/2, 246-57) cite encore une maḳāma d’Abū Muḥammaḍ al-Ḳurṭubī (443-83/1051-91; voir R. Arié, Notes sur la maqāma andalouse, dans Hespéris-Tamuda, IX/2 (1968), 204-5).

En Orient, un proche continuateur de Badīʿ al-zamān, le médecin Ibn Buṭlān (m. après 460/1068 [q. v.]) est déjà l’auteur d’une Maḳāma fī tadbīr al-amrāḍ (Brockelmann, S I, 885) qui mériterait d’être examinée. Cependant, l’un de ses imitateurs les plus notables est Ibn Nāḳiyā (410-85/1020-92 [q.v.]) dont 9 maḳāmāt nous sont parvenues; cet auteur renonce à l’unité du héros et introduit plusieurs narrateurs, mais cette pluralité pourrait n’être, somme toute, selon Blachère et Masnou (39-40), «qu’une marque de respect vis-à-vis du modèle», Badīʿ al-zamān, dans la mesure où a été saisie la possibilité de varier les procédés de narration (éd. Istanbul 1331; O. Rescher, Beiträge zur Maqāmen-Literatur, IV, 123-52; trad. Cl. Huart, dans JA, 10e série, XII (1908), 435-54). Néanmoins, le plus célèbre continuateur d’al-Hamad̲h̲ānī reste sans conteste al-Ḥarīrī (446-516/ 1054-1122 [q.v.]) qui donna au genre sa forme classique, en le figeant pour ainsi dire et en le détournant de son but réel; n’accordant qu’un intérêt secondaire au contenu et faisant porter tout l’effort sur le style qui tombe souvent dans un amphigourisme pesant, al-Ḥarīrī vise finalement à conserver et à enseigner le vocabulaire le plus rare, au point qu’on verra une vingtaine de philologues commenter ses Séances et plusieurs de ses imitateurs accompagner leurs propres compositions d’un commentaire lexicographique. (Un auteur mag̲h̲ribin devait même composer douze séances en arabe dialectal pour améliorer le langage parlé dans le Sud de l’Algérie; voir G. Faure-Biguet et G. Delphin, Les séances d’El Aouali, textes arabes en dialecte maghrébin de Mohammed Qabîh el-Fā’l (M. le Mauvais sujet), dans JA, 11e= série II (1913), 285-310, III (1914), 303-74, IV (1914), 307-78).

Le succès des Maḳāmāt d’al-Ḥarīrī, qui répondaient aux goûts des lecteurs au point qu’après le Ḳurʾān on les faisait apprendre par cœur aux enfants, a rejeté dans l’ombre celles d’al-Hamad̲h̲ānī, trop aisément compréhensibles, et poussé bien des écrivains postérieurs à imiter les artifices de rhétorique imaginés par cet auteur (voir Prendergast, 22-5; Crussard, Études sur les Séances de Ḥarīrī, Paris 1923; Blachère et Masnou, 42-6) et à se désintéresser du fond, au point que la richesse verbale demeura censément le principal, sinon l’unique caractère spécifique de ce genre littéraire pourtant original et fécond dans son principe.

En dépit de la spécialisation du terme qui le désigne, on voit encore al-G̲h̲azālī (m. 505/1111 [q.v.]) dans ses Maḳāmāt al-ʿulamāʾ bayna yaday al-k̲h̲ulafāʾ wa-l-umarāʾ (ms. Berlin 8537/1) et al-Samʿānī (m. 562/1167 [q.v.]) dans ses Maḳāmāt al-ʿulamāʾ bayna yaday al-umarāʾ (Ḥad̲j̲d̲j̲ī Ḵh̲alīfa. n° 12702), dont les titres et le contenu rappellent le chapitre d’Ibn Ḳutayba cité plus haut, revenir à la notion plus ancienne de maḳām/maḳāma «discours pieux»; c’est aussi le cas d’al-Zamak̲h̲s̲h̲arī (467-538/1074-1143 [q.v.]) qui, tout en paraissant s’inspirer d’al-Hamad̲h̲ānī et d’al-Ḥarīrī, compose 50 maḳāmāt dans lesquelles il adresse à sa propre personne des exhortations morales, d’ailleurs également intitulées Naṣāʾiḥ al-kibār; elles voudraient témoigner du repentir de l’auteur décidé à abandonner, après une maladie, la littérature profane (voir Brockelmann, S I, 511; Blachère et Masnou, 40-1; éd. Caire 1312, 1325; trad. Rescher, Beiträge, VI, 1913), mais, incapable ¶ d’oublier qu’il est aussi un philologue, il rédige un commentaire de ses propres compositions (Yāḳūt, Udabāʾ XIX, 133).

Deux auteurs du VIe/XIIe siècle sont encore crédités de Maḳāmāt composées à l’imitation d’al-Ḥarīrī: al-Ḥasan b. Ṣafī, surnommé Malik al-nuḥāt (489-568/1095-1173; voir Yāḳūt, Udabāʾ VIII, 123-4; al-Suyāṭī, Bug̲h̲ya, 220) et le Bag̲h̲dādien Aḥmad b. Ḏj̲amīl (m. 577/1182) dont le seul ouvrage cité par Yāḳūt (Udabāʾ, II, 282) est un Kitāb Maḳāmāt.

L’œuvre d’al-Ḥarīrī fut bien vite connue en Espagne, où devait en être élaboré le commentaire le plus célèbre, celui d’al-S̲h̲arīs̲h̲ī (m. 619/1222 [q.v.]). Les Séances y furent déjà imitées, semble-t-il, par un contemporain de leur auteur, mais un peu plus jeune, Ibn al-As̲h̲tarkūwī (m. 538/1143) dans zi-Maḳāmāt al-Saraḳusṭiyya qui, au nombre désormais traditionnel de 50, seraient peut-être, de l’avis de F. de la Granja (op. laud., xin), les seules qui, en Espagne, répondent aux normes classiques; de surcroît, l’autre titre sous lequel elles sont connues, Kitāb al-Ḵh̲amsīn maḳāma al-luzūmiyya pourrait révéler une influence d’al-Maʾarrī et de ses Luzūmiyyāt [cf. luzūm mā lā yalzam; A. M. al-ʿAbbādī, dans RIEEIM, II/1-2 (1954), 161]; deux d’entre elles, qui ont trait à la critique littéraire, ont fait l’objet d’un examen de la part d’Iḥsān ʿAbbās (op. laud., 500-1), mais les autres mériteraient sans doute d’être étudiées de plus près (sur les mss, voir Brockelmann, S I, 543). C’est encore au début du VIe/XIIe siècle que le wazīr Abū ʿĀmir ibn Arḳam composa une maḳāma à la louange de l’amīr almoravide de Grenade Tamīm b. Yūsuf b. Tās̲h̲fīn (voir R. Arié, art. cité, 206); à en juger par le fragment qu’en a conservé al-Fatḥ b. Ḵh̲āḳān (Ḳalāʾid al-ʿikyān, éd. Paris, repr. Tunis 1966, 153-4), cette composition en prose rimée s’apparente au raḥīl de la ḳaṣīda, mais on y voit apparaître une personnage fictif qui engage avec l’auteur un dialogue sur le mamdūh. Al-Fatḥ b. Ḵh̲āḳān luimême (m. vers 529/1134 [q.v.]) a laissé une maḳāma sur son maître al-Baṭalyawsī (H. Derenbourg, Mss de l’Escurial, 538), et Ibn Ḵh̲ayr al-Is̲h̲bīlī (502-75/1108-79 [q.v.]) cite encore dans sa Fahrasa (382, 450) sept maḳāmāt composées par le wazīr Abū l-Ḥasan Sallām al-Bāhilī (voir al-ʿAbbādī, art. cité, 162; R. Arié, art. cité, 205). De son côté, al-Maḳḳarī (Azhār al-riyāḍ, éd. Caire 1361/1942, III, 15) en attribue plusieurs à un faḳīh grenadin du nom de ʿAbd al-Raḥmān b. Aḥmad b. al-Ḳaṣīr (m. 576/1180; voir Arié, 206). Au VIe/XIIe siècle, on relève encore en Espagne (Ibn al-Abbār, Takmila, 407) deux maḳāmas d’al-Wādī As̲h̲ī (m. 553/1158), dont l’une est à la louange du ḳāḍī ʿIyāḍ (476-544/1083-1149 [q.v.]), mais, contrairement à une opinion répandue, ce célèbre personnage n’est ni l’auteur, ni le destinataire d’al-Maḳāma al-dawhiyya ou al-ʿIyāḍiyya al-g̲h̲azaliyya qui est l’œuvre de Muḥammad b. ʿIyāḍ al-Sabtī (m. 575/1179) et dont Ibn Sāʿīd a conservé quelques lignes (voir F. de la Granja, op. laud., 121-8). Ibn G̲h̲ālib al-Ruṣāfī (m. 572/1177) a composé une Maḳāma fī waṣf al-ḳalam dont subsiste un bref fragment édité et traduit par F. de la Granja (131-7). C’est très probablement en Syrie qu’Ibn Muḥriz al-Wahrānī (m. 575/1179) a écrit al-Maḳāma al-fāsiyya, dans laquelle le héros est interrogé sur un certain nombre de personnages réels qui sont caractérisés en quelques lignes parfois incisives (éd. S. Aʿrâb, dans al-Baḥt̲h̲ al-ʿilmt (Rabat), n° 5 (1965), 195-204).

On ne saurait insister sur les Maḳāmāt ṣūfiyya d’al-Suhrawardī al-Maḳtūl (m. 587/1191 [q.v.]) qui traitent de la terminologie ṣūfie (Brockelmann, S I, 783) et à plus forte raison sur les Maḳāmāt, ou Haltes sur la voie mystique, de l’autre Suhrawardī, Abū Ḥafṣ ¶ ʿUmar (m. 632/1234 [q.v.]). On ne s’étendra pas non plus sur les divers recueils de Maḳāmāt attribués à tort ou à raison (voir O. Yahia, Histoire et classification de l’oeuvre d’Ibn ʿArabī, Damas 1964, nos 415, 416, 417) à Ibn ʿArabī (560-638/1165-1240 [q.v.] et traitant d’éthique mystique.

Abū l-ʿAlāʾ Aḥmad b. Abī Bakr al-Rāzī al-Ḥanafī, qui dédia 30 «séances» au grand-ḳāḍī Muḥyī l-dīn al-S̲h̲āhrazūrī, semble appartenir à la fin du VIe/XIIe siècle; il veut imiter al-Hamad̲h̲ānī et al-Ḥarīrī, imagine comme eux un héros et un narrateur, mais emploie une langue plus simple; il aime les descriptions riches en traits d’esprit qui n’échappent pas toujours à l’obscénité et compose des maḳāmāt qui vont par paires et s’expliquent mutuellement (éd. Rescher, Beiträge, IV, 1-115).

Au début du VIIe/XIIIe siècle, on peut mentionner al-Maḳāma al-mawlawiyya al-ṣāḥibiyya d’al-Wazīr al-Ṣāḥib Ṣafāʾ al-dīn, sur des questions juridiques (Brockelmann, S I, 490; éd. Rescher, Beiträge, IV, 153-99), puis une imitation de l’œuvre d’al-Ḥarīrī, al-Maḳāmāt al-zayniyya au nombre de 50, composées en 672/1273 par al-Ḏj̲azarī (m. 701/1301 [q.v. au Suppl.]). Au cours du même siècle, les noms d’Ibn Ḳarnas (vers 672/1273), d’al-Barāʿī (vers 674/1275) et d’al-Ḳāḍī Ḥās̲h̲id (vers 690/1291) sont relevés par Brockelmann (I, 278), ainsi que ceux du jeune poète al-S̲h̲ābb al-ẓarīf (661-88/1263-89 [q.v.]), auteur des Maḳāmāt al-ʿus̲h̲s̲h̲āḳ d’inspiration amoureuse (S I, 458), et d’Ibn al-Aʿmā (m. 692/1293) qui a écrit une Maḳāma bahriyya (S I, 445). Son contemporain Ẓahīr al-Kāzarūnī (m. 697/1298) met en scène un rapporteur et un héros qui lui fait visiter Bag̲h̲dād en lui décrivant les usages anciens dans sa Maḳāma fī ḳawāʿid Bag̲h̲dād fī l-dawla al-ʿabbāsiyya, publiée par K. et M. ʿAwwād dans al-Mawrid, VIII/4 (1979), 427-40. Le Damascain Ibn al-Ṣāʾig̲h̲ (645-722/1247-1322 [q.v.]) est crédité d’une Maḳāma s̲h̲ihābiyya qui n’a pas été conservée.

Au VIIIe/XIVe siècle, les imitations paraissent se multiplier et s’appliquer souvent à des sujets religieux ou parénétiques. En 730/1229, Ibn al-Muʿaẓẓam al-Rāzī emploie encore le terme maḳām, que nous avons rencontré chez Ibn Ḳutayba, dans le titre de ses 12 compositions, al-Maḳāmāt al-it̲h̲nā cas̲h̲ar (éd. Ḥarāʾirī, Paris 1282/1865, Tunis 1303; Brockelmann, II, 192, S II, 255); le Tunisien d’origine, Ibn Sayyid al-Nās (m. 734/1334 [q.v.]) célèbre le Prophète et ses Compagnons dans al-Maḳāmāt al-ʿaliyya fī l-karāmāt al-d̲j̲aliyya. S̲h̲ams al-dīn al-Dimas̲h̲ḳī (m. 727/1327) met la forme de la séance au service de la mystique dans al-Maḳāmāt al-falsafiyya wa-tard̲j̲amāt al-Ṣūfiyya qui sont au nombre de 50 (Brockelmann, S II, 161). Le Dīwān d’Ibn al-Wardī (689-749/1290-1349 [q.v.]) publié par Fāris al-S̲h̲idyāḳ à Constantinople en 1300, contient des maḳāmāt et une risāla/maḳāma, al-Nabā ʿan al-wabā, sur l’épidémie de peste dont il mourut peu après (Brockelmann, II, 140, S II, 174, 175). Un écrivain d’origine mag̲h̲ribine. Aḥmad b. Yaḥyā al-Tilimsānī = Ibn Abī Ḥad̲j̲ala (725-76/1325-75 [q.v.]) était renommé en son temps comme auteur de maḳāmāt; il en subsiste une, curieuse, sur les échecs, dédiée à l’Artuḳide de Mārdīn al-Malik al-Ṣāliḥ s̲h̲ams al-dīn Ṣāliḥ, qui était probablement un amateur enthousiaste de ce jeu (voir Brockelmann, IP, 5-6, S II, 5; J. Robson, A chess maqāma in the Rylands Library, dans Bull. John Rylands Library, XXXVI (1953), 111-27).

Un Andalou, Ibn al-Murābiʿ (m. 750/1350 [q.v.]) s’est fait remarquer par sa Maḳāmāt al-ʿīd publiée par A. M. al-ʿAbbādī (dans RIEEIM, II/1-2 (1954), 168-73) et traduite par F. de la Granja (op. laud., 173-99); le héros est un mendiant des Banū Sāsān à ¶ la recherche d’une victime à sacrifier à l’occasion de la Grande Fête, et le texte fournit même quelques données sur l’histoire de Grenade, où devait s’illustrer un contemporain de l’auteur, Ibn al-Ḵh̲aṭīb (713-76/1313-75 [q.v.]). Dans la production littéraire si abondante et variée de ce dernier, on relève plusieurs compositions qui empruntent à la «séance» certains de ses traits; des quatre textes analysés par R. Arié (Notes, 207-14): Ḵh̲aṭrat al-ṭayf fī riḥlat al-s̲h̲ilāʾwal-ṣayf (récit de voyage), Mufāk̲h̲arat Mālaḳa wa-Salā (éloge de Malaga), Miʿyār al-ik̲h̲tiyār fī d̲h̲ikr al-maʿāhid wa-l-diyār et Maḳāmāt al-siyāsa, ce sont cependant les deux derniers qui s’apparentent le plus étroitement à la maḳāma. Dans le Miʿyār (éd. A. M. al-ʿAbbādī, Mus̲h̲āhadāt Lisān al-dīn Ibn al-Ḵh̲aṭīb fī bilād al-Mag̲h̲rib wa-l-Andalus, Alexandrie 1958, 69-115), l’auteur met en scène un voyageur qui décrit 34 villes et villages d’al-Andalus, et un médecin qui fait l’éloge de 16 localités mag̲h̲ribines: comme dans le deuxième des textes cités ci-dessus, le lecteur est en présence d’une mufāk̲h̲ara ou d’une munāẓara, d’un débat, dont on trouve d’assez nombreux exemples dans des «séances» qui ont finalement absorbé ce genre particulier (voir infra). La parenté avec la maḳāma classique est plus nette dans la Maḳāmāt al-siyāsa (apud al-Maḳḳarī, Nafḥ al-ṭīb, éd. Caire, IX, 134-49), dans laquelle l’auteur fait comparaître devant Hārūn al-Ras̲h̲īd un vieillard d’apparence peu engageante qui lui donne son avis sur la bonne administration et les devoirs du souverain (voir D. M. Dunlop, A little-known work on politics by Lisān al-Dīn b. al-Ḫaṭib, dans Miscelanea de estudios arabes y hebraicos, VIII/1 (1959), 47-54).

Pour ne pas quitter al-Andalus, rappelons encore que le ḳāḍī l-d̲j̲amāʿa de Grenade, al-Nubāhī [q.v.], avait inséré, en 781/1379, dans sa Nuzhat al-baṣāʾir wal-abṣār, un commentaire de sa propre Maḳāma nak̲h̲liyya présentée sous la forme d’un dialogue érudit, obscur et pédant, entre un palmier et un figuier (voir R. Arié, art. cité, 212-3). Au siècle suivant, en 844/1440, une épidémie de peste survenue dans ce pays devait encore (voir supra, Ibn al-Wardī) inspirer à ʿUmar al-Mālaḳī al-Zad̲j̲d̲j̲āl sa Maḳāma fī amr al-wabāʾ conservée par al-Maḳḳarī dans ses Azhār al-riyāḍ (éd. saḳḳāʾ, etc., Caire 1939-42, I, 125-32) et traduite par F. de la Granja (op. laud., 201-30); ce juriste-poète est également l’auteur du Tasrīḥ al-nisāl ilā maḳātil al-faṣṣāl dont le même Maḳḳarī, qui en a reproduit deux fois le texte (Azhar, I, 117-24 et Nafḥ al-ṭīb, éd. Caire, VI, 345-50) laisse entendre que le peuple s’en régalait alors que la k̲h̲āṣṣa le rejetait à cause du mud̲j̲ūn [q.v.] qui le caractérisait.

En Orient, quelques noms d’écrivains du VIIIe/XIVe siècle ont été relevés par Brockelmann: al-S̲h̲ād̲h̲ilī (702-60/1302-58; S II, 148); al-Ṣafadī (696-764/1296-1363 [q.v.]), l’auteur du Wāfī, qui a écrit une maḳāma sur le vin, Ras̲h̲f al-raḥiḳ fī waṣf al-ḥarīḳ (S II, 29); et al-Buk̲h̲ārī (m. 791/1389; S II, 289).

Al-Ḳalḳas̲h̲andī (m. 821/1418 [q.v.]), reproduit dans un chapitre du Ṣubḥ (XIV, 110-38) un texte d’al-Ḵh̲wārazmī (voir supra) et une maḳāma de son cru sur la fonction de secrétaire de chancellerie (voir C. E. Bosworth, A maqāma on secretaryship: al-Qalqashandī’s al-Kawākib al-durriyya fī ‘l-manāqib al-badriyya, dans BSOAS, XXVII/2 (1964), 291-8). Naturellement, le fécond écrivain qu’est al-Suyāṭī (849-911/1445-1505 [q.v.]) ne pouvait manquer de cultiver le genre maḳāma qu’il utilise sous forme de dialogues, en abandonnant la structure traditionnelle et en se dispensant de héros et de narrateur, pour traiter des questions religieuses et profanes, parler du sort de la famille de Muḥammad dans l’Au-delà, des qualités des parfums, ¶ des fleurs et des fruits, non sans aborder des sujets obscènes (voir Rescher, Zu Sojūṭī’s Maqāmen, dans ZDMG, LXXIII (1919), 220-3; Brockelmann, S II, 183, 187, 197, 198; L. Nemoy, Arabic MSS in the Yak University Library, New Haven 1956, ms. L. 754, fol. 47-50). Son contemporain, le Zaydite de l’Arabie du Sud Ibrāhīm b. Muḥammad al-Ḥādawī Ibn al-Wazīr (m. 914/1508), applique cette forme à des questions théologiques dans al-Maḳāma al-naẓariyyal al manẓariyya wa-l-fākiha al-k̲h̲abariyya (Brockelmann, II, 188, S, II, 248; Nemoy, op. laud., ms. L-366, fol. 140-7), et le rival d’al-Suyūṭī, Aḥmad b. Muḥammad al-Kastallānī (m. 923/1517) en fait autant dans ses Maḳāmāt al-ʿārifīn (Brockelmann, II, 73). Brockelmann cite encore al-Birkawī (929-81/1523-73; S II, 658), al-G̲h̲azāfī (vers 997/1589; S II, 383), al-Mārdīnī (vers 1000/1591; S II, 383), al-Ḳawwās (vers 1000/1591), auteur de 9 «séances» (II, 272, S II, 383) et al-Fayyūnī(m. 1022/1614; S II, 486). Brockelmann ne cite pas l’auteur indien de Multān, Abū Bakr al-Ḥusaynī al-Ḥaḍramī (fin du Xe/XVIe siècle) qui a écrit 50 maḳāmāt en s’inspirant d’al-Ḥarīrī (voir L. Cheikho, Mad̲j̲ānīl-adab, VI, 76-8; R. Y Ebied et M. J. L. Young, Arabie literatāre in India: two maqāmāt of Abū Bakr al-Ḥaḍramī, dans Studies in Islam, 1978, 14-20).

A l’époque de la décadence littéraire qui a marqué les XIe et XIIe/XVIIe-XVIIIe siècles, la «séance» est e`core utilitée pour traiter les sujets les plus divers. En 1078/1697, Ḏj̲amāl al-dīn Abū ʿAlī Fatḥ Allāh b. ʿAlawān al-Kaʿbī al-Kabbānī en compose une sur la guerre que Ḥusayn Pas̲h̲a et ʿAlī Pas̲h̲a Afrāsiyāb de Baṣra menaient contre une armée turque commandée par Ibrāhīm Pas̲h̲a et en fait un commentaire, le Zād al-musāfir (imprimé à Bag̲h̲dād en 1924; Brockelmann II, 373, S II, 501). On rencontre encore les noms d’al-Kās̲h̲ī/ al-Kās̲h̲ānī (1007-90/1598-1679; S II, 585), de ʿArīf (m. 1125/1713; S II, 630), de Baʿbād al-ʿAlawī qui acheva en 1128/1715 (S II, 601) une imitation d’al-Ḥarīrī dans laquelle al-Nāṣir al-Fattāḥ («le conquérant victorieux») raconte les 50 aventures, dans l’Inde, d’Abū l-Ẓafar al-Hindī al-Sayyāḥ («le triomphateur indien vagabond»), sous le titre d’al-Maḳāmāt al-hindiyya (lith. 1264), et d’al-ḏj̲azāʾirī (1050-1130/1640-1718; S II, 586).

Au Maroc, le genre, qui a pris forme, est représenté par Muḥammad b. ʿĪsā (m. 990/1582) et Muḥammad al-Maklātī (m. 1041/1631-2), dont la Maḳāma bakriyya est un éloge de Maḥammad b. Abī Bakr al-Dilāʾī (m. 1021/1612) fils du fondateur de la zāwiya dilāʾiyya (voir M. Lakhdar, La vie littéraire au Maroc sous la dynastie ʿalawide (1075-1311/1664-1894, Rabat 1971, 42); Muḥammad al-Masnāwīal-Dilāʾī (1072-1136/16611724 [voir dilāʾ, au Suppl.]) devait décrire cette zāwiya et en pleurer la destruction dans al-Maḳāma al-fikriyya fī maḥāsin al-zāwiya al-bakriyya, de structure classique, avec héros et narrateur (voir Lakhdar, op. cit., 156-8).

Nemoy (op. laud.) enregistre un ms. (Yale L-182) d’al-Maḳāma al-rūmiyya d’al-Bakrī (1099-1162/16881749 [q. v.]) qui fait partie de son Tafrīḳ al-humūm watag̲h̲rīḳ al-g̲h̲umūm fī l-riḥla ild al-Rūm. ʿAbd Allāh b. al-Ḥusayn al-Bag̲h̲dādī al-Suwaydī (m. 1174/1760) et son fils Abū l-Ḵh̲ayr ʿAbd al-Raḥmān (m. 1200/1786) utilisent ce moyen (Brockelmann, II, 374, 377, S II, 508) pour rattacher les uns aux autres, d’une façon plaisante, toute une série de proverbes anciens et modernes, le père, dans Maḳāmat al-amt̲h̲āl al-sāʾira (Caire 1324), et le fils, dans al-Maḳāma d̲j̲āmiʿat al-amt̲h̲āl ʿazīzat al-imt̲h̲āl (ms. Berlin 8582/3).

De même qu’al-Ḥarīrī, dans les deux risālas, al-Sīniyya et al-S̲h̲īniyya, n’avait employé que des mots ¶ contenant respectivement un sīn et un s̲h̲īn, de même ʿAbd Allāh al-Idkawī (m. 1184/1770) a écrit al-Maḳāma al-iskandariyya wa-l-taṣḥīfiyya dans laquelle sont rapprochés des couples de mots qui ne diffèrent que parles points diacritiques (Brockelmann, II, 283). Un étalage d’érudition est la caractéristique d’al-Maḳāma al-dud̲j̲ayliyya wa-l-maḳāla al-ʿumariyya de ʿUt̲h̲mān b. ʿAlī al-ʿUmarī al-Mawṣilī (m. 1184/1770) qui contient essentiellement une énumération et une brève définition des sectes islamiques (Brockelmann, S II, 500; Rescher, Beiträge, IV, 191-285, où l’on trouvera d’autres produits de cet art). Nemoy (op. laud.) signale encore (Yale L - 302) des Maḳāmāt en prose mêlée de vers d’Aḥmad al-Armanāzī (XVIIIe siècle?).

Le thème si goûté du débat de prééminence (voir Steinschneider, Rangstreitliteratur, dans SBAK Wien, CLV/4 (1908); Brockelmann, dans Mil. Derenbourg, 231; Blachère et Masnou, 48 et n. 2; H. Massé, Du genre littéraire «Débat» en arabe et en persan, dans Cahiers de Civilisation médiévale, IV, 1961), est développé dans la Maḳāmat al-muḥākama bayn al-mudām wa-l-zuhūr (ms. Berlin, 8580) de Yūsuf b. Sālim al-Ḥifnī (m. 1178/1764), également auteur d’al-Maḳāma al-ḥifniyya (B. M. 1052/1; Brockelmann, II, 283, S II, 392). Le Cretois Aḥmad b. Ibrāhīm al-Rasmī (1106-79/16941783) s’essaya aussi dans ce genre et écrivit al-Maḳāma al-zulāliyya al-bis̲h̲āriyya (Brockelmann, II, 430). D’al-Badrī (m. 1215/1800), subsiste une brève maḳāma (Yale, L-30 a) en sad̲j̲ʿ et vers (Nemoy, op. laud.).

C’est aussi en y insérant de nombreux vers de son cru que le poète tunisien al-Warg̲h̲ī (m. 1190/1776) a composé trois maḳāmāt éditées par ʿAbd al-ʿAzīz al-Gīzānī à Tunis en 1972 et intitulées al-Bāhiyya (sur le fondateur de la zāwiya bāhiyya en 1160/1747), al-Ḵh̲itāniyya (à l’occasion de la circoncision des fils du Bey ʿAlī b. al-Ḥusayn en 1178/1764) et al-Ḵh̲amriyya (à la louange du même Bey en 1183/1769). Son contemporain et compatriote al-G̲h̲urāb (m. 1185/1771) en a également laissé trois, dont deux, al-Hindiyya et al-Bāhiyya, comportent un héros et un narrateur, sans pour autant répondre à toutes les exigences du genre, tandis que la troisième, al-ʿAbāʾiyya ou al-Ṣābūniyya, n’est qu’une risāla (voir H. Ḥ. al-G̲h̲uzzī, al-Adab al-tūnisī fī l-ʿahd al-ḥusaynī, Tunis 1972, 95-7; voir aussi 154-60, sur al-Warg̲h̲ī). Un autre Tunisien, Ismāʿīl al-Tamīmī (m. le 15 d̲j̲umādā I 1248/10 octobre 1832), est l’auteur d’une Maḳāma fī ḥaḳḳ al-s̲h̲ayk̲h̲ sayyidī Ismāʿīl ḳāḍī l-ḥaḍra al-ʿaliyya bi-Tūnis, qui a été éditée par H. Ḥ. al-G̲h̲uzzī, dans al-Fikr, XXV/7 (avril 1980), 25-9. On lira avec intérêt l’étude de ce dernier, al-Maḳāma al-tūnisiyya bayn al-taḳlīd wa-l-taṭawwur al-marḥalī naḥwa l-ḳiṣṣa, ibid., XXVII/5 et 6 (1982), 33-9 et 96-103.

On peut encore citer les noms de ʿAbd al-Raḥmān b. ʿAbd Allāh al-Suwaydī (1134-1200/1721-86; S II, 374), al-Barbīr (1160-1226/1748-1811; S II, 750), Ḥamdān Ibn al-Ḥad̲j̲d̲j̲ al-Fāsī (1174-1232/17601817; S II, 875) dont une Maḳāma ḥamdūniyya se trouverait en ms. au Caire (M. Lakhdar, op. laud., 282). Au Maroc encore, Abū Muḥammad ʿAbd Allāh al-Azārīfī (m. 1214/1799-1800) a adressé au k̲h̲alīja du sultan au Sūs une maḳāma comportant un héros et un narrateur et décrivant l’anarchie qui régnait dans les régions sahariennes au XIIe/XVIIIe siècle (texte dans al-Baḥth al-ʿilmī, XIII/2 (1396/1976), 166-72). Al-Zayānī (1147-1249/1734-1833) est l’auteur d’une maḳāma fī d̲h̲amm al-rid̲j̲āl dirigée contre les conspirateurs qui ont destitué Mawlāy Sulaymān (Lakhdar, 323). Un autre Marocain bien connu, Akansūs (1211-94/1796-1877 [q.v.]) a laissé une maḳāma d’allure mystique (ms. Rabat D 1270) destinée à montrer la vanité des choses de ce monde; elle comporte ¶ un héros et un rāwī et contient des vers, des dialogues et des descriptions (Lakhdar, 343-5).

Nous sommes ainsi parvenus au XIXe siècle, où l’on relève d’abord le nom d’al-ʿAṭṭār (m. 1250/1824; Brqckelmann, S II, 720), puis celui d’Abū l-T̲h̲anāʾ al-Ālūsī (1217-70/1802-53), auteur de 5 maḳāmāt sans héros ni narrateur qui contiennent des conseils aux enfants de l’auteur, des données autobiographiques, des descriptions et des réflexions sur la mort (voir Brockelmann, II, 498, S II, 786; EI 2, s.v. al-Alūsī); elles ont été lithographiées en 1273 à Karbalāʾ, mais ne paraissent pas avoir rencontré un grand succès (voir M. M. al-Baṣīr, Naḥḍat al-ʿIrāḳ al-adabiyya, Bag̲h̲dād 1365/1946, 230-4).

C’est précisément à l’époque de la Nahḍa, de la renaissance, que plusieurs écrivains s’employèrent à faire revivre ce genre en respectant les normes classiques, car ils estimaient que, spécifique de la littérature arabe, il était le plus propre à susciter l’intérêt des lecteurs et à remettre en circulation un riche vocabulaire tombé en désuétude au cours des siècles précédents. A cet égard, l’écrivain du XIXe siècle le plus célèbre est le Chrétien libanais Nāṣīf al-Yāzid̲j̲ī ( 1800-71 [voir al-yāzid̲j̲ī]) qui, avec son Mad̲j̲maʿ al-baḥrayn, a offert au public, dans un dessein didactique, une imitation réussie d’al-Ḥarīrī; dans son ouvrage, qui contient cependant 60 maḳāmāt (au lieu du chiffre fatidique de 50) commentées par lui-même, le héros et le narrateur se rencontrent parfois en ville, mais souvent dans le désert, lieu traditionnel du beau langage (voir aussi Blachère et Masnou, 49-50). Brockelmann cite encore al-Ḏj̲azāʾirī (S II, 758, III, 379), al-Hams̲h̲ (S III, 338) et ʿAbd Allāh Pas̲h̲a Fikrī (m. 1307/1890 [q.v.]) dont les oeuvres (al-Āt̲h̲ār al-fikriyya, Būlāḳ 1315) contiennent plusieurs séances parmi lesquelles al-Maḳāma al-fikriyya fī l-mamlaka al-bāṭiniyya avait été publiée séparément au Caire en 1289 (Brockelmann, II, 475, S II, 722). Des Maḳāmāt de Maḥmūd Ras̲h̲īd Efendi ont été éditées au Caire en 1913 (S III, 85). Au ʿIrāḳ, Dāwūd Čelebi (Mak̲h̲tūṭāt al-Mawṣil, 299) relève une maḳāma sur Bag̲h̲dād de ʿAbd Allāh b. Muṣṭafā al-Faydī al-Mawṣilī (fin du XIXe siècle). Au Liban, Ibrāhīm al-Ahdab (1242-1308/1826-91 [q.v.]) a laissé 88 «séances» de structure traditionnelle, avec héros et rāwī, qui sont encore inédites (voir Ḏj̲. ʿAbd al-Nūr, dans Dāʾirat al-maʿārif, VII, 172).

En 1907, Muḥammad Tawfīḳ al-Bakrī publiait au Caire un recueil de maḳāmāt, Sahārid̲j̲, al-luʾluʾ, parmi lesquelles ʿUt̲h̲mān S̲h̲ākir a effectué un choix qu’il a inséré, en 1927, dans son ouvrage initulé al-Luʾluʾ fī l-adab.

On ne saurait s’étendre ici sur le Ḥadīt̲h̲ ʿĪsā b. His̲h̲ām d’al-Muwayliḥī (1868-1930 [q.v.]) dont la première édition en volume date de 1907; ce «roman», qui est à la fois le premier monument de la littérature arabe du XXe siècle et le chant du cygne de la littérature classique, a fait l’objet de nombreux travaux dont on trouvera la liste dans G. Widmer, Beiträge zur neuarabischen Literatur, IV, dans WI, n.s. III/2 (1954), 57-126; H. Pérès, dans Mélanges Massignon, III, Damas 1957, 233; N. K. Kot̲s̲arev, Pisateli Egipta, XX vek, Moscou 1975, 157-9. On rappellera toutefois qu’avant même la fin de sa publication en feuilleton, cette satire des mœurs contemporaines avait provoqué une imitation, Layālī Saṭīḥ, de la part de Ḥāfiẓ Ibrāhīm (1872-1932 [q.v.]) qui voulait lui aussi, mais avec moins de bonheur, présenter sous la forme d’une longue maḳāma un tableau satirique de la société (voir H. Pérès, dans B. Ét. Or., X (1943-4), 13 sqq.; Kot̲s̲arev, op. laud., 104-7). Les Wad̲j̲diyyāt de Muḥammad Farīd Wad̲j̲dī, publiées au Caire en 1910, contiennent 18 séances qui n’ont pas suscité un grand intérêt (voir ¶ cependant la revue tunisienne al-Mabāḥit̲h̲, XXXI sqq.). Il est enfin possible que d’autres écrivains de la première moitié du XXe siècle aient composé, à titre d’exercice rhétorique ou dans un dessein précis, quelques séances qui n’ont pas attiré l’attention des critiques et des historiens de la littérature. C’est le cas notamment d’Amīn al-Rīḥānī (1876-1940 [q.v.]) dont les Rīḥāniyyāt contiennent (éd. de 1956, II, 83-6( al-Maḳāma al-kabkad̲j̲iyya, où le narrateur est une mite (ʿut̲h̲t̲h̲a) à la recherche d’un livre gai dans une bibliothèque.

La liste qui précède ne saurait être considérée comme exhaustive; elle est essentiellement fondée sur l’article Maḳāma de Brockelmann dans EI 1 et sur sa Geschichte der arabischen Litteratur dont les données ont déjà été exploitées par Blachère et Masnou (op. laud., 123-9); on a essayé de compléter cet inventaire au moyen de travaux moins anciens, mais, pour parvenir à un résultat plus satisfaisant, il faudrait dépouiller les ouvrages biographiques récemment publiés ou encore inédits, ainsi que les catalogues des fonds de mss, et effectuer des recherches dans certaines bibliothèques dont les richesses n’ont pas été recensées. Comme notre liste a été établie dans un ordre chronologique approximatif, on a passé sous silence une douzaine d’auteurs assez tardifs qui n’ont pas été exactement localisés dans le temps. Blachère et Masnou citent les suivants: al-Sukkarī (Brockelmann, S II, 906), al-Ḵh̲anīnī (S II, 908), al-Ḥāʾirī (Rescher, Beiträge, IV, 328), al-Ṣāg̲h̲iānī (ibid., IV, 335), al-s̲h̲āfiʿī (S II, 908), Ibn Rayyān (S II, 909), Ibrāhīm b. ʿAlī b. Aḥmad b. al-Hādī (S II, 909), al-Anṭākī (Rescher, IV, 116), al-Munayyir (S II, 1010), al-Ḥusaynī (Rescher, IV, 311), al-Rasʿanī (Rescher, IV, 339), al-ʿUmarī al-Mawṣilī (Rescher, IV, 199).

Dans l’ensemble cependant, il semble bien que les représentants les plus marquants du genre n’ont pas échappé aux investigations et ont donné lieu à des travaux énumérés dans les s des notices que leur consacre la présente Encyclopédie. Mais à côté des écrivains dont les maḳāmāt ne sont plus connues que par un titre parfois trompeur ou une brève mention dans un ouvrage biographique ou autre, il en existe un certain nombre dont les œuvres conservées mériteraient sinon une édition, du moins un examen assez poussé, de façon à permettre un jugement plus assuré. Les considérations générales qui suivent sont donc encore fragmentaires.

Des caractéristiques de la maḳāma primitive, tous les auteurs ont essentiellement retenu l’emploi de la prose rimée, plus ou moins rythmée et mêlée de vers, et, à l’exemple d’al-Hamad̲h̲ānī et surtout d’al-Ḥarīrī, d’un vocabulaire recherché au point d’être parfois hermétique; au surplus, le sad̲j̲ʿ, qui pousse souvent à de véritables acrobaties, saurait d’autant moins s’accommoder d’une langue simple que le but de bien des auteurs est de faire étalage de leur richesse verbale. Indépendamment de ce trait commun, la présence de deux personnages n’est pas toujours sentie comme nécessaire, de sorte que héros et narrateur ne forment plus qu’un dans un grand nombre de maḳāmāt, quand encore cette fiction est conservée.

Sous son aspect théorique, la «séance», qui ressortit à l’adab, est à ce titre destinée certes à distraire, mais aussi à instruire, car on ne conçoit pas, à l’origine, qu’une littérature en prose puisse être gratuite. Alors que le but didactique devait être atteint au moyen du contenu éducatif ou édifiant, ce fut bientôt la forme qui remplit ce rôle au détriment du fond, par une accumulation, difficilement supportable aujourd’hui pour un lecteur moyen, de mots rares et inutiles, par un pédantisme détestable et une obscurité impénétrable. ¶ Le premier objectif, de son coté, devait être réalisé, comme dans l’adab, par un mélange de sérieux et de plaisant, par l’intérêt des aventures racontées et l’élément théâtral introduit par les deux personnages imaginaires. Or, de même que la risāla, qui était un procédé habile de présentation de la part d’auteurs pleins de fausse modestie, a tendu à ne plus être qu’un pur exercice rhétorique, de même la maḳāma, si elle a fourni à des écrivains un moyen d’exprimer sans danger des opinions personnelles en se servant d’une fiction, a permis à beaucoup d’autres d’étaler simplement leurs connaissances lexicographiques non sans viser cependant à une certaine esthétique, on serait tenté de dire, à l’art pour l’art. Cette tendance est une manifestation de l’amour des arabophones pour le bien-dire, et l’on a l’impression qu’une forme recherchée ne recouvre souvent qu’un vide total. Il n’est cependant pas impossible que certaines au moins des compositions qui paraissent les plus creuses se prêtent à des lectures différentes dont le niveau reste à découvrir.

Les auteurs de manuels d’histoire de la littérature arabe, quand ils abordent le chapitre de la maḳāma, citent à juste titre al-Hamad̲h̲ānī et al-Ḥarīrī dont les œuvres sont considérées comme les deux premiers jalons plantés sur la route suivie par ce genre original; ils gardent ensuite le silence et, au cours des sept siècles suivants, n’aperçoivent aucun auteur digne d’être cité comme un représentant éminent de la «Séance», ce qui est de toute évidence l’indice d’un regrettable déclin; des recherches plus approfondies permettront peut-être de corriger ce jugement sévère, mais il n’en demeure pas moins que, jusqu’à plus ample informé, il faut attendre le XIXe siècle pour découvrir, dans le Mad̲j̲māʿ al-baḥrayn d’al-Yāzid̲j̲ī, un troisième jalon remarquable, encore que le regain de vigueur communiqué à la maḳāma par cet auteur n’ait pas suscité d’œuvres éminentes, peut-être parce que son but était par trop didactique. En tout cas, le quatrième et dermer jalon a été planté par al-Muwayliḥī dont le Ḥadīt̲h̲ ʿĪsā b. His̲h̲ām est parfois qualifié de roman. Mais, de son temps, la prose rimée avait déjà commencé à déplaire, et le public cultivé prenait plaisir à lire, soit dans le texte, soit en traduction, des œuvres étrangères qui allaient inspirer la littérature arabe moderne au détriment d’un genre désormais condamné.

L’élément théâtral contenu dans les maḳāmas classiques n’a pas été exploité comme il aurait pu l’être, en ce sens qu’on ne voit guère de dramaturges qui s’en soient durablement inspirés et en aient mis quelquesunes en scène. ʿAlī al-Rāʿī (Some aspects of modem Arabic drama, dans R. C. Ostle (éd.), Studies in modem Arabic literature, Warminster 1975, 172 sqq.) estime que le théâtre d’ombres d’Ibn Dāniyāl [q.v.] se rattache à la littérature arabe par l’intermédiaire de la maḳāma, et signale que le Marocain al-Ṭayyib al-Ṣiddīḳī s’est fondé sur la fameuse Maḍīra [q.v.] et d’autres chapitres d’al-Hamad̲h̲ānī pour écrire des pièces qui ont rencontré un grand succès. Comme on peut le remarquer, il s’agit là d’une tentative isolée qui ne saurait plus retenir l’attention qu’au prix d’une laborieuse adaptation.

Imitations dans d’autres littératures.

Le succès du genre créé par al-Hamad̲h̲ānī et illustré par al-Ḥarirī a été si remarquable dans les milieux arabophones que des écrivains qui s’exprimaient normalement dans d’autres langues, mais avaient un accès direct aux textes arabes, conçurent l’idée de composer eux aussi des maḳāmāt.

En Perse, on estimait particulièrement les 24 séances que Ḥamīd al-dīn Balk̲h̲ī (m. 559/1164) avait composées en 551/1156 à l’imitation des deux grands ¶ auteurs arabes (Ḥād̲j̲d̲j̲ī Ḵh̲alīfa. n° 12716; lith. Téhéran et Cawnpore); plusieurs d’entre elles sont constituées par des débats entre un jeune homme et un vieillard, un Sunnite et un S̲h̲īʿite. un médecin et un astronome; d’autres contiennent des descriptions du printemps et de l’automne, de l’amour et de la folie, des discussions juridiques et mystiques, mais le fond est totalement sacrifié à la forme (voir H. Massé, Du genre «Débat», 143-4). L’exemple de Ḥamīd al-dīn ne paraît pas avoir été beaucoup suivi; toutefois, le journaliste Adīb al-Mamālik (m. 1917) a composé un recueil de maḳāmāt (Browne, IV, 349).

En Espagne, Yehūdā ben S̲h̲lōmō Ḥārīzī (1165-1225 de J.-C.) traduisit d’abord (en 502/1205) al-Ḥarīrī en hébreu, puis il composa 50 maḳāmāt qu’il intitula Sefer Taḥkemōni; dans ces «séances», le style du modèle est imité au moyen d’un emploi très habile de citations bibliques; touchant le contenu, on a remarqué que Ḥarīzī s’était inspiré d’une maḳāma de l’Ibn al-S̲h̲āhīd que nous avons cité plus haut (voir S. M. Stem, dans Tarbiz, XVII (1946), 87-100; J. Schirmann, ibid., XXIII (1952), 198-202; J. Razahbi, ibid., XXVI (1957), 424-39); l’ouvrage avait fait l’objet de traductions partielles en allemand, par Kraftt (dans Literaturblatt des Orients, XIII (1840), 196-8, XIV, 213-5) et L. Dukes (Ehrensäulern, etc., Vienne 1873, 92-4), avant d’être publié par P. de Lagarde, sous le titre Iudae Harizii Macamae (Gôttingen 1881, 2e éd. Hanovre 1924).

Un contemporain de Ḥarīzī, Jacob ben Eleazar de Tolède (début du XIIIe siècle de J.-C.) a composé de son côté 10 maḳāmāt qu’il a intitulées Mes̲h̲ālīm, avec un narrateur, mais pas de héros; cette œuvre a été étudiée par J. Schirmann, Les contes rimes de Jacob ben Eleazar de Tolède (dans Etudes d’orientalisme ... Lévi-Provençal, II, 285-97). Par ailleurs, J. M. Millás Vallicrosa cite, dans La poesîa sagrada hebraicoespanola (Barcelone 1948, 133-4, 136-7, 144) d’autres écrivains juifs d’Espagne dont les œuvres peuvent être comparées à des maḳāmāt.

Le métropolite de Nisibe ʿEbedyes̲h̲ūʿ/ʿAbdīs̲h̲ōʿ (m. 1318 de J.-C.) a composé en 1290-1, à l’imitation d’al-Ḥarīrī, 50 «séances» en vers syriaques de contenu religieux et édifiant divisées en deux parties désignées sous les noms d’Enoch et d’Elie; il en a expliqué luimême, dans un commentaire élaboré en 1316, la langue extrêmement artificielle où abondent les acrostiches et les vers qui peuvent se lire indifféremment de droite à gauche ou de gauche à droite (voir Chabot, Littérature syriaque, Paris 1934, 141); la première moitié de ces «séances» a été publiée par Gabriel Cardahi à Beyrouth, en 1899, sous le titre Paradaisa dha Edhen seu Paradisus Eden carmina auctore Mar Ebediso Sobensis.

On ne sache pas que des maḳāmāt aient été composées ou traduites en latin ou en roman au cours du moyen âge, mais il est bien évident que le héros du roman picaresque, le pícaro, ressemble sous bien des rapports à Abū l-Fatḥ al-Iskandarī ou à Abū Zayd al-Sarūd̲j̲ī, et la diffusion en Espagne de l’œuvre d’al-Hamad̲h̲ānī puis surtout de celle d’al-Ḥarīrī peut effectivement faire songer à une influence directe ou indirecte de la maḳāma. Les travaux qui ont été entrepris dans ce sens (en particulier par Menéndez Pelayo, Origines de la novela, 1943, I, 65 sqq.; A. González Palencia, Del Lazarillo a Quevedo, Madrid 1946, 3-9) ne paraissent pas encore concluants. En revanche, A. Rumeau (Notes au Lazarillo, dans Langues néolatines, n° 172 (mai 1965), 3-12) a montré que l’épisode central, La casa lóbregay oscura, du Lazarillo de Tormes était étroitement apparenté à une anecdote citée par al-Ibs̲h̲īhī (Mustaṭraf, trad. Rat, II, 670), mais figurant déjà chez al-Bayhaḳī, qui l’a probablement ¶ empruntée à al-Ḏj̲āḥiẓ; ainsi, le long chemin parcouru, du fatā et du mukaddī de ce dernier au picaro, passe vraisemblablement par la maḳāma. Cette question, liée à celle de l’influence exercée par les Mille et une Nuits, a récemment fait l’objet d’une grosse thèse de M. Tarchouna, Les marginaux dans les récits picaresques arabes et espagnols, Tunis 1982, qui contient une comparaison poussée entre les deux sources indiquées ci-dessus et la littérature picaresque et une riche bibliographie.

Bibliography

Aux références du texte, il convient d’ajouter: V. Chauvin, Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes, IX, Liége 1904

les études publiées dans la revue tunisienne al-Mabāḥit̲h̲, XXIII-XXV, XXVII-XXVIII

A. Mez, Renaissance, index

Ḏj̲. Sulṭan, Fann al-ḳiṣṣa wa-l-maḳāma, Damas 1362/1943

G. E. von Grunebaum, The spirit of Islam as shown in its littérature, dans SI, I (1953), 114-19

S̲h̲awḳī Ḍayf, al-Maḳāma, Caire 1954, 2e éd. 1964

ʿAbd al-Raḥmān Yāg̲h̲ī, Raʾy fī l-maḳāma, Beyrouth 1969

Jareer Abū-Haydar, Maqāmāt literature and the picaresque novel, dans JAL, 1974, 1-10

M. R. Ḥasan, At̲h̲ar al-maḳāma fī nas̲h̲ʾat al-ḳiṣṣa al-misriyya al-ḥadīt̲h̲a, Caire 1974

H. Nemah, Andalusian maqāmāt, dans JAL, III (1974), 83-92

R. Marzūḳī, Taṭawwur al-maḳāma s̲h̲aklan wa-maḍmūman, dans CERES, Ḳaḍāyā l-adab al-ʿarabī, Tunis 1978, 299-335

R. Droury, Ḥawl ḳawāʿid tabaddul al-ḳāfiya fī l-maḳāma, dans S. Somek̲h̲ (éd.), Abḥāt̲h̲ fī l-lug̲h̲a wa-l-uslūb, Tel Aviv 1980, 7-13



F. Gabrieli, Storia della letterature araba, Milan 1951, 202-7

G. Wiet, Introduction à la littérature árabe, Paris 1966, 174-9

J. Vernet, Literatura árabe, Barcelone s.d., 92-6, 125-9.

(C. Brockelmann -
[Ch. Pellat])

Aucun commentaire: