jeudi 13 novembre 2008

IBN AL-KHATÎB (LISÂN AD-DÎN) 1ère partie




















AVERTISSEMENT:
Je suis très heureux de publier la deuxième partie (et non la dernière) de la Biographie très importante du célèbre Ibn al-Khatib. Le texte est tiré de la précieuse " Biblioteca de al-Andalus", publiée par la Fundacion Ibn Tufayl de estudios arabes sur laquelle je reviendrai dans un prochain article.
Fundacion Ibn Tufayl de estudios arabes
C/Al-Andalus, 9
04008 Alméria
Espagne
www.ibntufayl.org
Je remercie vivement Mon étudiante en Master, Elizabeth Rocio pour son excellente traduction. Grâce à elle, une partie de ce texte très important est mis à la connaissance des lecteurs francophones.
Je ne peux que recommander aux amateurs de l'histoire d'al-Andalus de se procurer tous les tomes de la
" Biblioteca de al-Andalus" en écrivant à ses auteurs dont le lien est donné plus haut.


" Le nom de Lisân al-Dîn (La Langue de la Religion), qu’il utilisa aussi, était l’un des surnoms typiquement oriental, très apprécié à l’époque. Malgré son souhait réitéré de voyager vers les lieux saints de l’islam pour remplir son devoir de pérégrination, il ne parvint, à aucun moment de sa vie, à visiter l’Orient.

Hâjjῑ Khalῑfa lui donne le nom de al-Qurtubî, peut-être grâce à ses ancêtres qui disaient avoir habité la ville. Et parfois, il signale la date incorrecte de sa mort 726 (=1326), ou encore, 776 (=1374-5).

Al-Salmânῑ met en relation le nom de sa lignée avec la tribu arabe yéménite qahtâní des Banû Salmân, dont un groupe originaire de Syrie s’établit en Espagne musulmane ( Nafh, V, 22).

En plus de quelques renseignements biographiques qu’il donne de lui-même dans ses ouvrages, Ibn al-Khatīb composa une sorte d’autobiographie, intégrée dans la Ihâta (IV, 437-634), achevée certainement peu après le début de l’an 771 (= août 1369) ( Ihâta, IV, 446 at 536).

L’érudit maghrébin Abu l’-Abbâs Ahmad al-Maqqarῑ ( Tlemcen, 992=1584- le Caire, 1041=1631-2) établi en Orient, composa un ouvrage fondamental, qui lui permit de faire connaître le personnage de Ibn al-
Khatīb. Durant l’un de ses séjours à Damas, al Maqqarῑ se lia d’amitié avec Ahmad al-Sâhīnī « Ibn Sâhīn », qui lui demanda de composer un ouvrage sur Ibn al-Khatīb. Il ne faut pas oublier que Grenade, la terre de ce dernier, fut l’endroit où s’étaient installés les syriens, et qu’elle prit le nom de Dimashqî al-Andalus. Il acheva la composition de son ouvrage au Caire le 27 du ramadâm de l’année 1038 (20 mai 1629). Cependant, il y apporta de nombreux ajouts un an plus tard.
Au début, il l’ intitula ‘ Arf al-tib fi l-ta rif bi-l-wazir Ibn al Khatīb (senteur du parfum qui permet de reconnaître le vizir Ibn al-Khatῑb), bien qu’il changea le titre pour celui de Nafh al-tib min ghusn al- Andalus al-ratib wa-dhikr waziri-ha Lisan al-Din Ibn al-Khatib (Bouffée du parfum de la branche fraîche de al-Andalus et évocation de son vizir Lisân al Dīn Ibn al-Jatīb) en ajoutant toutes les nouvelles sur al-Andalus, car même si le sujet principal de l’œuvre était initialement la figure de Ibn al-Khatîb, al-Maqqari décida ensuite d’ajouter une longue introduction sur al-Andalus ; aboutissant ainsi à une œuvre, divisée en deux parties d’après les notes de l’auteur lui même dans l’introduction : Une première partie dans laquelle il traite de l’histoire et de la littérature de al-Andalus ; divisée à son tour en huit chapitres :
1) Description de al-Andalus.
2) Conquêtes et premiers dirigeants.
3) Histoire de al-Andalus.
4) Description de Cordoue.
5) Les andalous qui voyagèrent en Orient.
6) Les Orientaux qui vinrent (s’y établir).
7) Qualités des andalous, leur perspicacité, leurs goûts pour la connaissance et leur habilité à la réplique (long recueil de nombreuses anecdotes et surtout de vers).
8) Conquête chrétienne et les demandes d’aides de la part des andalous à leurs contemporains.

La deuxième partie, centrée sur la personne de Ibn al-Khatîb, malgré des longues digressions se compose aussi de huit parties :
1) Les origines et les ancêtres de Ibn al-Khatîb.
2) Sa biographie (son parcours, son ascension et les intrigues qu’il a connues jusqu'à sa mort).
3) Ses maîtres.
4) La correspondance entretenue par Ibn al-Khatîb avec des rois et des personnalités importantes.
5) Sa prose et sa poésie, les formes strophiques incluses ( il reproduit un choix de textes)
6) La relation de ses œuvres.
7) Ses disciples.
8) Ses enfants.

D’après ce que nous raconte Ibn al-Khatîb, lui-même, sa famille fut connue anciennement comme étant les Banû Wazῑr pour être ensuite connue en tant que Banû I-Khatīb. C’est son trisaïeul Saîd qui exerça le poste de prédicateur ou Jatib, raison pour laquelle il fut surnommé « al-Khatīb » ou le prédicateur et son fils Abd Allâh « Ibn al-Khatîb » ( fils ou descendant du prédicateur, surnom qui portera désormais toute sa descendance. Ihâta, IV, 439 ;Nafh, V, 8 y 10).

Ses premiers ancêtres liés à al-Andalus se seraient établis à Cordoue. De là, à la suite de la révolte d’Arrabal, ils se seraient déplacés à Tolède au début du IXème siècle conjointement à de nombreux autres cordouans. Parmi eux ; Ibn al-Khatîb distingue le "savant" ('âlim) Yahyà b. Yahyà al-Laytῑ, une des figures importantes à l’intérieur du malikisme pour la transmission de l’œuvre al- Muwatta du fondateur de cette école juridique.

À Tolède auraient vécu les membres de la famille Banû –Wazîr jusqu’à la conquête de la ville par les troupes d’Alphonse VI. À la suite de cette conquête ils revinrent au Sud. Un membre éloigné de sa famille appartenant à une autre branche qui répondait au nom de Abd al-Rahmân s’établit à Priego où il fut cadí (Ihâta, IV, 439 ; Nafh, V, 10).
Son trisaïeul Said, un autre membre de sa famille, s’établit à Loja. Le vizir Abû l-Hakam Ibn Muhammad al-Muntifrīdī, membre d’une autre branche de la famille et historien, racontait que Said avait l’habitude de s’asseoir contre le mur d’une tour à Loja, sur la route qui menait de Grenade à Séville ; il donnait des cours et récitait le Coran; les voyageurs s’arrêtaient pour l’écouter. Il mourut suite à une attaque des Castillans à Loja, qui affecta aussi d’autres membres de la famille. Son fils Abd Allah lui succéda dans ses fonctions et après sa mort, Said, le grand père de Lisăn al-Dīn, que l’on décrit comme une personne vertueuse.

Toutes ces informations nous sont parvenues, essentiellement, par l’intermédiaire d’Ibn al-Jatīb, il existe cependant des points obscurs qui peuvent nous faire douter de la stricte authenticité des dates les plus lointaines chronologiquement, puisque nous ne connaissons rien d’autre que les maillons généalogiques les plus proches d’Ibn al-Jatīb, d’après ce que l’on peut voir sur le tableau ci-joint. Les doutes les plus importants concernent le transfert de la famille depuis Tolède qui passa dans les mains des chrétiens en 1085, au triangle formé par les localités de Loja, Priego et Montefrío, dans le sud, créant ainsi un vide chronologique selon la chaîne généalogique que nous connaissons. De toute manière, ce dont on ne peut douter c’est du rôle ascendant que les Banǔ l-Jatīb commencèrent à développer dans le contexte de la décomposition de l’état almohade et de la dynastie nazarí naissante, avec laquelle la vie, la mort, et naturellement l’œuvre de l’auteur qui nous occupe, apparaissent étroitement liées.

Son grand-père Saīd (Loja, ¿ ?- Grenade, 683/1284) est mentionné comme secrétaire (kătib) et comme chef militaire (qăid). De sa ville natale, Loja, il se rendit à Grenade, ville en plein essor dans laquelle se réfugièrent de nombreux andalous suite à la perte de villes aussi emblématiques que Cordoue en 1236, Valence en 1246 et Séville en 1248. C’est dans la ville de Grenade que s’était établi Muhammad Ibn al-Ahmar, qui deviendra finalement le fondateur de la dynastie qui guida le destin de Grenade et du royaume qui se forma autour d’elle pendant plus de deux siècles et demi.

C’est dans ce contexte de formation d’un État que se serait produit, certainement, le transfert du grand-père de Lisăn al- Dīn Ibn al Jatīb à Grenade, à un moment où les Banū l-Tanŷālī, des arabes de noble origine hāshimí avec lesquels les Banū l-Jatīb s’étaient alliés par mariage, préparèrent un soulèvement à Loja ( Ihāta, III, 245, 387 ; IV, 440). A Grenade, nous sommes certains qu’il fut bien traité par le nouveau sultan, bien qu’il passa un certain temps en prison.
Il réalisa deux mariages importants qui aideront l’ascension de sa famille. Le premier avec une fille du vizir Abū l-‘Ulà Adhà membre du clan influent des Banū Adhà al-Hamdānī. Cette union, qui fut suivie de la mort prématurée de sa femme, lui permit d’hériter d’une partie des rentes du grand bain public (al-hammām al-a’zam) qui portait le nom des ancêtres de son épouse. Nous ne connaissons aucune descendance de ce mariage.
Il contracta un second mariage avec une fille du qâ’id (gouverneur musulman) Abū Ya’far Ahmad b. Muhammad al- Ya’dāllāh al-Sulamī, dont il eut au moins un fils, ‘Abd Allāh, le père de Ibn al-Jatīb, et ainsi il s’apparenta indirectement au sultan Muhammad II ( Ihāta, III, 387-8 ; IV, 441).

Le grand-père de Ibn al-Jatīb parvint même, à être au service du sultan en tant que précepteur de ses enfants ( Ihāta, IV, 441 ; Nafh,V,11). Il mourut suite à une insolation, le mois du rabí II de l’année 683 (= 17 juin-15 juillet 1284) sous le règne de Muhammad II, alors qu’il était en train de prier pour qu’il pleuve, vu la sécheresse que subissaient les grenadins (Nafh, V,11).

Nous ne nous arrêterons pas sur le père d’Ibn al-Jatīb (...) Il convient cependant de souligner, qu’il a dû retourner à Loja, la chère patrie de ses ancêtres, car c’est là que naquit son fils Muhammad, l’auteur qui nous concerne, le 25 de rayab du 713 (=15 novembre 1313), d’après ce que lui-même consigne dans son autobiographie (Ihāta,IV,634).

Dès sa naissance, il mena une vie aisée grâce à la situation de sa famille, d’après le commentaire de l’un de ses biographes, Abū l-Walīd Ibn al-Ahmar (en Nafh, V, 75). Nous ne savons rien de sa mère, à laquelle il ne se réfère jamais dans ce que nous connaissons de ses oeuvres.

De sa ville natale, Loja, il partit très jeune à Grenade en compagnie de son père, à une époque où Ismā’īl I avait déjà pris le pouvoir. Celui-ci inaugurait ainsi une nouvelle branche de la famille nasride, bien qu’il continuât la lignée de Muhammad II du côté maternel, car il était le fils de Fatima, qui était elle-même la fille de ce dernier. Ce fait, influença peut-être les circonstances dans lesquelles le père d’Ibn al-Jatīb entra à la cour nasride, où il a sans doute exercé des fonctions.

Il vécut son enfance à Grenade et commença ses études. L’intérêt pour de nombreuses diciplines l’aidèrent à atteindre le savoir encyclopédique qu’il vante dans ses ouvrages.

Il parle de ses maîtres dans un des chapitres de son autobiographie (Ihāta, IV, 457-9 ) qu’ il intitule al-mashyakha. Il commença par apprendre le Coran avec Abū ‘Abd Allāh Inb’Abd al-Walī al-Ru’aynī (Grenada?, aux environs 680/1281-2 -Grenada ?, 750/1350), connu comme al-Awwād. Il écrit d’abord le Coran, ensuite il le mémorise et plus tard il le récite. Ce maître, qui enseignait les vendredis, est présenté comme son voisin le plus proche ( Ihāta, III, 33-5 ; Nafh, V, 383-4).

Il continua ses études avec Abū l-Hasan ‘Alī b. ‘Umar b. Ibrāhīm al-Kinānī al-Qayyātī (Baeza, 650/1252-3 -Grenade, 730/1330) qui débuta l’enseignement dans la Grande Mosquée de Grenade à partir de 712/1312. Avec lui il recommença l’apprentissage du Coran, ajoutant celui de la langue arabe et des belles lettres. ( Ihāta, IV, 104-7 ; Nafh, V, 507-9).

Les autres maîtres avec lesquels il étudia furent- selon l’ordre dans lequel l’auteur les cite dans son autobiographie :
• al-Jatib Abū l-Qāsim Ibn Yuzayy (Grenade? 693/1294-aux environs de Tarifa, 741/1340) (Ihāta, III, 20-3 ; Nafh,V,514 y ss) ;
• Abū ‘Abd Allā Ibn al-Fajjār al-Bayrī (m.Grenade,754/1353), considéré comme le Sībawayhi de son époque pour s’être distingué comme grammairien. Avec lui il effectua ses études de langue arabe, droit islamique et l’éxegèse (Ihatā, III, 35-8 ; Nafh, V, 355-83).

• Abū ‘Abd Allāh Muhammad b. Yahya b. Muhammad b. Yahya al-As’arī, connu comme Ibn [Abī] Bark (Málaga, 674/1276- aux environs de Tarifa, 741/1340), qui fut cadi (juge musulman) suprême de Grenade depuis le 10 du muharram 737/19 août 1336 jusqu'à sa mort lors de la bataille du Rio Salado, où moururent aussi le père et le frère d’Ibn al-Jatīb (Ihāta, II, 176-80 ; Nafh,V, 385 ;Marqaba, 141-7).

• Le secrétaire et vizir Abū l-Hasan Ibn al-Djayyāb (Grenade, 673=1274-Grenade,749=1349), avec qui il étudia les belles lettres et qui l’aurait aidé à atteindre le ministère auprès des Nasrides."
( à suivre)


Traduction de l'espagnol par
Rocio Élizabeth, master 2

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