Immersion profonde dans la musique andalouse
Un livre sur la musique andalouse, voilà ce qui pourrait être une opportunité aussi bien pour les spécialistes de ce patrimoine musical que pour les profanes. Face, justement, à une maigre bibliographie sur le sujet, hormis le livre du grand maitre Sid Ahmed Serri, sans oublier les classiques d’Edmond Nafil ou de Jules Rouanet, La plume, la voix et le plectre, titre du livre écrit par Saâdane Benbabaâli, spécialiste de la musique arabo-andalouse et enseignant l’Université Paris III de la Sorbonne, se place, malgré son esprit synthétique, comme une œuvre d’autant plus importante qu’elle nous livre, dans une langue belle et simple à la fois, une idée sommaire sur ce qui est réellement cette musique, encore sujette à la curiosité des spécialistes en musicologie.
Si M.Benbabaâli nous plonge passionnément dans le lointain passé de cette musique dont les premières racines ont vu le jour dans le Bagdad abbasside avec l’épopée de Zyriab, et de tous les poètes andalous qui ont eu le génie divin de créer le Muwwashah, la fameuse poésie qui mit fin à la prédominance de la qasida classique venue d’Orient, c’est avec un langage moins poétique et dans une précision clinique, qu’il nous décrit les différentes structures de la Nawba algérienne, en expliquant, au détail près, ce que sont les parties qui la composent, M’sahliya, Tushiya, M’saddar, Btayhi…
Par ailleurs, l’auteur réserve quelques pages à une anthologie de l’Institut national de musique algérienne en passant en revue, par exemple, le travail de Sid Ahmed Serri et on a droit à une sélection de poèmes, des muwachahat, doctement expliqués. Enfin, et pour goûter aux plaisirs d’une lecture aussi passionnante, le livre comporte un CD, le dernier album de Beihdja Rahal, Nouba Raml.
Amine Goutali.
Ouvrage de Saâdane Benbabaâli
Le dernier album en Nawba Raml est entouré d’explications didactiques faites par l’un des meilleurs spécialistes algériens du muwashshah. « Le texte de M. Benbabaali est un délice de vulgarisation élégante. Les profanes comme moi ont le sentiment de comprendre un univers jusque-là inconnu », écrit Selma Hellal, des éditions Barzakh, dans le petit mot qui accompagne l’ouvrage.
A travers une écriture fluide, Saadane Benbabaali revient sur « le rapport céleste » qu’a le musicien arabe avec son art. « La musique arabe est impensable sans la voix du chanteur. Par sa voix, l’interprète transmet l’émotion qui l’étreint. Une complicité s’établit alors entre le messager inspiré et l’auditeur raffiné », écrit-il. Cela remonte à la chute de Grenade et le départ forcé des musulmans d’Espagne, chassés par la terrible Inquisition catholique. Les habitants de Al Andalous n’acceptèrent pas leur exclusion et crurent à un retour dans leur patrie. « C’est la raison pour laquelle les Andalous transmirent à leurs descendants (...) les clés de leurs demeures abandonnés de l’autre côté de la mer. Ils léguèrent aussi à leurs héritiers leur profond chagrin », raconte-t-il. D’où des poèmes parfois tristes alors que les gens d’Al Andalous étaient célèbres pour leur joie de vivre et par le raffinement de leur civilisation. Cette culture avait obtenu la reconnaissance du philosophe allemand Nietzsche, lequel avait dit : « la merveilleuse civilisation maure d’Espagne, au fond plus proche de nous, parlant plus à nos sens et à notre goût que Rome et la Grèce ». Le « nous » peut être traduit par ce que les responsables du Vieux continent appellent aujourd’hui « les valeurs européennes ».
Les Andalous ont, comme l’a relevé Saadane Benbabaali, ajouté aux Sept Merveilles, les Palais de l’Alhambra de Grenade et ont inventé les nawbat musicales et le muwashshah, la poésie à strophes. Le muwashshah fut, selon lui, l’expression d’une certaine autonomie par rapport au Machreq. Avec une architecture musicale originale Ziryab, « le merle noir de Baghdad », fut le leader dans ce mouvement qui était la marque d’une société multiculturelle. La nouba remaniée et chantée au Maghreb est indissociable de la poésie strophique connue par l’alternance des rimes et des mètres. L’auteur a expliqué la différence existant entre la qacida (dont la trace est visible dans le Istikhbar de la Sana’â d’Alger) et le muwashshah. Ibn Khaldoun et Ibn Sanaâ Al Mulk ont recueilli des témoignages précieux sur cet art. Durant sept siècles, la nawba a connu des innovations. « Stable dans ses grandes lignes, la nouba s’est adaptée au génie propre au style de chaque région d’accueil », a-t-il souligné. La nouba a ainsi pris le style des villes maghrébines d’adoption comme Fès ou Alger. Mais, cet art a été marqué par des « oublis et des confusions entre les modes ». « Des mélodies vont totalement disparaître faute d’avoir été interprétées, d’autres vont être assimilées à des San’ât voisines », a relevé Saâdane Benbabâali. Des 24 noubates du système de Ziryab, il n’en reste que 12. Chaque nouba, qui est une combinaison des traditions arabos-orientales, berbères et ibériques, repose sur un mode appelé tab’ et s’organise en un ensemble élaboré. Le chercheur a détaillé le programme de la nouba algérienne qui commence avec la m’shâliya et la tushiya et se termine avec le khlâs et la tushiyat al kamâl. Il a refait lecture d’une anthologie des chansons arabos-andalouses préparée en 1972 par l’Institut national de musique, sous la direction de Djelloul Yellès et d’Al Hafnaoui Amokrane.
Selon lui, c’est le recueil le plus complet puisqu’il contient près de 660 pièces appartenant au répertoire encore chanté.
Saâdane Benbabâali, 60 ans, est maître de conférence à l’Université Paris III. Il prépare une traduction en français des textes andalous chantés au Maghreb.
Par Les Andalous ont, comme l’a relevé Saadane Benbabaali, ajouté aux Sept Merveilles, les Palais de l’Alhambra de Grenade et ont inventé les nawbat musicales et le muwashshah, la poésie à strophes. Le muwashshah fut, selon lui, l’expression d’une certaine autonomie par rapport au Machreq. Avec une architecture musicale originale Ziryab, « le merle noir de Baghdad », fut le leader dans ce mouvement qui était la marque d’une société multiculturelle. La nouba remaniée et chantée au Maghreb est indissociable de la poésie strophique connue par l’alternance des rimes et des mètres. L’auteur a expliqué la différence existant entre la qacida (dont la trace est visible dans le Istikhbar de la Sana’â d’Alger) et le muwashshah. Ibn Khaldoun et Ibn Sanaâ Al Mulk ont recueilli des témoignages précieux sur cet art. Durant sept siècles, la nawba a connu des innovations. « Stable dans ses grandes lignes, la nouba s’est adaptée au génie propre au style de chaque région d’accueil », a-t-il souligné. La nouba a ainsi pris le style des villes maghrébines d’adoption comme Fès ou Alger. Mais, cet art a été marqué par des « oublis et des confusions entre les modes ». « Des mélodies vont totalement disparaître faute d’avoir été interprétées, d’autres vont être assimilées à des San’ât voisines », a relevé Saâdane Benbabâali. Des 24 noubates du système de Ziryab, il n’en reste que 12. Chaque nouba, qui est une combinaison des traditions arabos-orientales, berbères et ibériques, repose sur un mode appelé tab’ et s’organise en un ensemble élaboré. Le chercheur a détaillé le programme de la nouba algérienne qui commence avec la m’shâliya et la tushiya et se termine avec le khlâs et la tushiyat al kamâl. Il a refait lecture d’une anthologie des chansons arabos-andalouses préparée en 1972 par l’Institut national de musique, sous la direction de Djelloul Yellès et d’Al Hafnaoui Amokrane.
Selon lui, c’est le recueil le plus complet puisqu’il contient près de 660 pièces appartenant au répertoire encore chanté.
Saâdane Benbabâali, 60 ans, est maître de conférence à l’Université Paris III. Il prépare une traduction en français des textes andalous chantés au Maghreb.
9 commentaires:
Je viens de terminer la lecture de votre livre et j'ai l'impression d'avoir enfin compris le secret de la nawba andalouse. Les informations que vous apportez sur la poésie strophique, dite "muwashshah" est fondamentale. Votre style clair et agréable à lire procure un véritable plaisir. Enfin, quel cadeau merveilleux que cette nawba Raml interprétée majestueusement par votre complice Beihdja RAHAL; L'Algérie peut être fière d'avoir un spécialiste comme vous pour combler un vide énorme dans le domaine de la musique et de la poésie andalouses.
Je recommande d'urgence la lecture de votre ouvrage à tous les amateurs maghrébins de la musique de Ziryab.
À quand la suite de vos publications?
Merci encore!
Votre livre, en plus d'être un beau cadeau superbement imprimé est un régal pour les yeux et les oreilles.
Merci encore
J'attends avec impatience vos traductions des poèmes andalous car je me suis régalé avec ceux que vous nous offrez dans votre admirable ouvrage. Et Beihdja que nous prépare t-elle pour 2009?
Bonne année aux deux auteurs et à bientôt.
Pierre Marin
Où se procurer ce livre?
Je vis à Paris et n'ai personne pour me l'apporter d'Alger.
Merci.
Une vente-dédicace avec les auteurs aura lieu en janvier à Paris. Laisser votre adresse mail et vous serez informé du lieu et de la date.
« Le texte de M. Benbabaali est un délice de vulgarisation élégante. Les profanes comme moi ont le sentiment de comprendre un univers jusque-là inconnu », Selma Hellal, co-responsable des éditions Barzakh
Adresse mail : younes_zoheir@hotmail.com
Un livre sur la musique andalouse, voilà ce qui pourrait être une opportunité aussi bien pour les spécialistes de ce patrimoine musical que pour les profanes. Face, justement, à une maigre bibliographie sur le sujet, hormis le livre du grand maitre Sid Ahmed Serri, sans oublier les classiques d’Edmond Nafil ou de Jules Rouanet, La plume, la voix et le plectre, titre du livre écrit par Saâdane Benbabaâli, spécialiste de la musique arabo-andalouse et enseignant l’Université Paris III de la Sordonne, aidé, dans ce travail publié récemment chez Barzakh, en langues française et arabe, par l’une des belles voix féminines de cette musique Beihdja Rahal, se place, malgré son esprit synthétique, comme une œuvre d’autant plus importante qu’elle nous livre, dans une langue belle et simple à la fois, une idée sommaire sur ce qui est réellement cette musique, encore sujette à la curiosité des spécialistes en musicologie.
A travers une écriture fluide, Saadane Benbabaali revient sur « le rapport céleste » qu’a le musicien arabe avec son art. « La musique arabe est impensable sans la voix du chanteur. Par sa voix, l’interprète transmet l’émotion qui l’étreint. Une complicité s’établit alors entre le messager inspiré et l’auditeur raffiné », écrit-il. Cela remonte à la chute de Grenade et le départ forcé des musulmans d’Espagne, chassés par la terrible Inquisition catholique. Les habitants de Al Andalous n’acceptèrent pas leur exclusion et crurent à un retour dans leur patrie. « C’est la raison pour laquelle les Andalous transmirent à leurs descendants (...) les clés de leurs demeures abandonnés de l’autre côté de la mer. Ils léguèrent aussi à leurs héritiers leur profond chagrin », raconte-t-il. D’où des poèmes parfois tristes alors que les gens d’Al Andalous étaient célèbres pour leur joie de vivre et par le raffinement de leur civilisation.
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