dimanche 25 janvier 2009

La femme et le génie dans les contes des Mille et une Nuits


1. La femme


Même si la gent féminine occupe une grande place au sein des Nuits, elle n’en est pas le héros principal (si l’on ne tient pas compte de Shéhérazade). De fait, c’est plutôt un homme, souvent prince ou riche marchand, qui est le pivot de chacune des histoires. Ce personnage central, typiquement respectueux des valeurs de l’Islam, juste et vaillant, est soit trahi par un proche, son épouse, sa fratrie ou toute autre personne en qui il avait mis sa confiance, soit il cède à la curiosité (par exemple de voyager pour voir du pays) ou dilapide sa fortune. Il lui arrive alors moult aventures plus périlleuses les unes que les autres, où il doit s’exiler dans une autre ville, loin de chez lui et où il rencontre de nombreux personnages ayant vécu la même infortune que lui, chacun ayant son histoire à conter. Il connaît alors la misère, la faim, le vol et la tromperie. L’homme, très émotif, se lamente, pleure sur sa pauvre condition, pâlit, maigrit et s’évanouit [43] . Un brave homme, petit marchand ou chauffeur de hammam, désireux de faire une action qui lui attirera la grâce d’Allah, le prend alors en protection sous son toit sans savoir qu’il a devant lui un fils de roi déchu. Le protagoniste est ensuite soigné, nourri, lavé et vêtu des plus beaux vêtements du bon samaritain jusqu’à ce qu’il soit remis sur pied et qu’il décide de retourner dans sa ville d’origine, accompagné du sauveur qui considère alors comme son fils l’homme aidé. La chance revient ensuite au héros qui réussit à conter son histoire au calife, lequel lui remet une robe d’apparat, lui offre ses plus belles femmes et le place à la tête de sa ville d’origine après avoir puni les coupables [44] .
Calife arabe
L’homme peut aussi se retrouver devant un roi qui le condamne injustement à mort pour une action non commise comme dans le Conte du Bossu. Tel Shéhérazade, il demande au roi de lui laisser entendre son histoire avant de faire exécuter la sentence. Celui-ci, ému par le récit, lui laisse la vie sauve et va même jusqu’à le récompenser. Notons enfin que l’homme, lorsqu’il s’éprend amoureusement d’une femme, en perd la raison et va jusqu’à dilapider toute sa fortune et risquer sa vie pour être auprès d’elle [45] . La femme possède donc une arme, son charme, qui lui permet de dominer l’homme à sa guise, comme le fait Abrîza, cette femme chrétienne qui mate facilement le grand guerrier musulman Sharr Kân [46] .
Finalement, on retrouve les génies, ou djinns, lesquels sont de deux types. D’abord, les démons qui n’ont pas de maître, dont la mythologie seraient d’origine indopersane, reliée au polythéisme hindou [47] . Ils peuvent reconnaître les humains, ils enlèvent les femmes, s’en prennent aux hommes et personne ne peut les contrôler sauf d’autres génies ou leur contrepartie féminine, les femmes djinns, avec qui ils peuvent engager un combat féroce en se métamorphosant tantôt en serpent, tantôt en dragon, tantôt en feu [48] . Ou bien encore ils aident deux amants lointains à se retrouver et les font voyager d’une ville à une autre en une seule nuit [49] . D’autre part, on retrouve d’autres djinns qui n’obéissent qu’à un maître possesseur d’un talisman, comme la lampe d’Aladin. Ceux-là ne reconnaissent pas les humains qui tantôt peuvent être leurs amis ou tantôt leurs ennemis selon le possesseur du talisman. Ces génies seraient quant à eux d’origine égyptienne [50] .

2. Le bon génie

Ce sont donc là quelques personnages typiques présents dans les Nuits. On remarque une emphase sur le thème de la tromperie ou de la trahison, la femme étant souvent celle qui commet l’acte de félonie envers un prince vertueux. L’idée de l’aventure et du voyage transpire aussi de ces contes par toutes les péripéties et les exils dont sont victimes les protagonistes de l’ouvrage, ces aventures découlant souvent d’une trop grande curiosité. Mais cette curiosité, lorsqu’elle est présente chez le roi ou le calife ayant prononcé une sentence fatale, entraîne aussi la grâce du condamné qui raconte son histoire. La clémence est donc un thème important des Nuits; elle est d’ailleurs accordée durant mille et une aubes à Shéhérazade. N’oublions pas l’idée de la magie gravitant autour des génies et de certaines femmes dotées de pouvoirs surnaturels de métamorphoses. Enfin, un thème omniprésent dans tous les contes est celui de la religion. On retrouve en effet de multiples allusions à Dieu et au prophète. Les personnages n’hésitent pas à invoquer Dieu au moindre danger et à crier Son nom lors des batailles contre les Croisés. L’Islam est bien sûr la religion dominante, mais les Chrétiens, les Juifs et les Zoroastriens sont aussi représentés dans les contes. Le conte du roi an-Nu’mân est particulièrement intéressant dans ce domaine puisqu’il nous donne une vision, bien entendu exagérée, qu’avaient les Musulmans par rapport aux Chrétiens byzantins durant les Croisades.

Vincent Detmers

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