mardi 20 octobre 2009

Le Picaro et l'antihéros

Le picaro :
« C’est dans Guzman Alfarache de Mateo Aleman (1599) que l’on assiste à un véritable foisonnement de récits picaresques. Le mot picaro est employé pour la première fois pour désigner un personnage déguenillé, désoeuvré, déraciné et marginalisé mais également ingénieux, fraudeur, frondeur, grand joueur, bref un délinquant et un aventurier à la recherche du gain facile. »
Mahmoud Tarchouna, Littérature arabe et roman picaresque, Thèse d’état, Paris 3 Sorbonne nouvelle, 1980, (n°511), p. 79

Un pícaro (mot espagnol signifiant « misérable », « futé ») est le héros d’un roman picaresque. Miséreux, orphelins, « irréguliers » vivant en marge de la société et à ses dépens, gens des basses classes, ordinairement, ou déclassés, filous de toute espèce, voyous des rues, bandits de grand chemin, bohémiens, voleurs, capitaines de compagnie, étudiants, les pícaros sont des antihéros dont le personnage constitue un contrepoint à l’idéal chevaleresque. De rang social très bas ou descendant de parents sans honneur ou ouvertement marginaux ou délinquants, le pícaro vit en marge des codes d’honneur propres aux classes dominantes de la société de son époque.
Aspirant également à améliorer sa condition sociale, le pícaro, dont le plus grand bien est sa liberté, a recours à la ruse et à des procédés illégitimes comme la tromperie et l’escroquerie pour tenter de parvenir à ses buts. Néanmoins, cette aspiration est vouée à l’échec et le pícaro restera toujours pícaro. De surcroît, il est fréquemment tourmenté par sa mauvaise conscience.
Des pícaros célèbres sont Lazarillo de Tormes, Guzmán d’Alfarache, Ruy Blas ou l’Aventurier Buscón.
Source wikipedia

L'antihéros
L'antihéros (ou anti-héros) est le personnage central d’une œuvre de fiction lorsqu’il ne présente pas les caractéristiques du héros conventionnel, lesquelles, dans l'Antiquité, étaient : la renommée, la gloire — kléos — ; la force, la rage de vaincre — biè — (Ajax, Héraklès) ; le courage (tous) ; la sagesse — pinutè — ; l'intelligence (Ulysse) ; la grandeur, la magnanimité — megethos — ; une habileté exceptionnelle dans une activité noble, comme la guerre (héros de l'Iliade) ou l'art (Orphée) ; l'accomplissement d'exploits (Héraklès, Jason, Ulysse) ; la descente aux Enfers, ou nekuia (Énée, Héraklès, Orphée, Ulysse...) ; l'apothéose (tous), c'est-à-dire la divinisation.
Il peut s’agir d’un personnage mauvais, qui n’effectue pas de noble quête, ou n’est pas animé de sentiments altruistes, etc. Bien que le mot soit récent, bien des personnages de la religion grecque antique commettent des actions franchement anti-héroïques (ainsi Ajax qui, aveuglé par Athéna, massacre le bétail de l'armée achéenne en croyant s'en prendre à ses guerriers, parce que les Achéens lui ont refusé d'hériter des armes d'Achille, et les ont données à Ulysse).
Il peut aussi s’agir d’un « bon » héros, mais dont les caractéristiques physiques l'éloignent apparemment de son rôle (par exemple : le poids, la taille, l’apparence, une certaine condition physique, psychologique ou un handicap quelconque). Le personnage peut aussi devenir « héros malgré lui », en accomplissant des exploits sans pour autant chercher la gloire ou la justice.
L’antihéros est cependant aussi, assez souvent, un héros, en ce sens que, « héros malgré lui » ou « personnage sans quête », il peut au cours des péripéties auxquelles il est confronté, réaliser des exploits héroïques, ne serait-ce qu'à son corps défendant.
Dans les représentations du monde moderne, où la figure héroïque a disparu (voir désenchantement du monde), l’antihéros peut être identifié au has-been ou au maladroit attachant (Shlemiel, Nasreddine Hodja...).

Typologie

On peut considérer quatre types principaux d’antihéros:
  • le personnage « sans qualités », l’être ordinaire vivant une vie ordinaire dans un cadre ordinaire ;
  • le héros négatif, porteur de valeurs anti-héroïques et en général antisociales, mais sans qualités « héroïques » (en ce sens, Fantomas par exemple est un héros négatif mais non un antihéros car il est porteur de qualités héroïques, mais au service du mal) ;
  • le héros déceptif, un personnage ayant potentiellement des qualités héroïques mais qui n’en fait pas usage ou les utilise mal ou à mauvais escient, ou qui tend à perdre ces qualités, ou enfin qui se trouve dans un cadre où ces qualités ne sont plus appréciées ou admises ;
  • le héros « décalé », un personnage ordinaire, sans qualités, qui par les circonstances se trouve plongé dans une situation extraordinaire.
Le premier cas concerne surtout les personnages principaux d’œuvres comiques de la littérature (les héros de Trois hommes dans un bateau de Jerome K. Jerome par exemple), de la bande dessinée (Gaston Lagaffe, Jean-Claude Tergal), du cinéma (beaucoup des personnages incarnés par Woody Allen), mais on peut aussi les trouver dans des œuvres sérieuses, quoi que non dénuées d’humour, comme pour le Narrateur et personnage principal de la Recherche du temps perdu de Proust et bien sûr celui de l'Homme sans qualités de Musil, deux paradigmes du « non héros » dans le roman moderne. Beaucoup de personnages principaux des films de Clint Eastwood en tant que réalisateur, tels ceux de Honkytonk Man et de Bronco Billy, sont aussi de cette veine du héros « sans qualités ».
Le deuxième cas domine dans la littérature et le cinéma « noirs » centrés sur la figure du gangster. Dans le roman ou le film, les « héros », qui obéissent à des principes dépréciés ou dénigrés par la société, sont le plus souvent sans envergure et, par souci moral (le code Hays aux États-Unis, par exemple) ou par la trajectoire de vie même de ces personnages, tendent à un destin tragique (mort ou emprisonnement). On en trouvera des exemples dans la plupart des romans de David Goodis et dans des films noirs comme les Tueurs de Robert Siodmak, ou dans la trilogie le Dragon rouge, Le Silence des agneaux et Hannibal dont un des principaux protagonistes, Hannibal Lecter, est porteur de « normes » particulièrement déviantes et antisociales.
Le héros déceptif est un antihéros de bien plus ancienne origine et figure dans nombre de contes populaires ; c’est dans ce cas le héros qui, par sa propre faute ou du fait des circonstances, ne parvient pas à accomplir sa quête. Il figure parmi les archétypes définis par les formalistes russes, puis par A.J. Greimas dans ses travaux de sémiotique narrative. On retrouve abondamment cette figure de héros déceptif dans le cinéma, et principalement dans le genre western à partir du début des années 1950, les premiers réalisateurs allant clairement vers cette voie étant Nicholas Ray (avec Johnny Guitare et Les Indomptables) et Elia Kazan (avec Viva Zapata!), deux films de 1952. Cependant, il existe d’autres films de ce genre qui, sans avoir la radicalité de ces deux-là, ont introduit une image de héros déceptif, comme Le Fils du désert (1948) de John Ford, où les « héros », des hors-la-loi, vont au bout de leur aventure mourir ou finir en prison, malgré leurs actes héroïques, ou Le Trésor de la Sierra Madre de John Huston où l’on assiste à une succession de quêtes trompeuses, les « héros » échouant l’un après l’autre à les réaliser. Ce dernier film est bien sûr à rapprocher de la veine du film noir, de laquelle son réalisateur fut partie prenante.
Le héros décalé se trouve dans tous les arts, mais particulièrement dans la bande dessinée, du fait que cette technique allie l’immédiateté visuelle du cinéma et la facilité de réalisation de la littérature, ce qui lui permet de jouer avec les genres sans que ces décalages induisent la mobilisation de moyens du cinéma, et avec l’avantage par rapport à la littérature que les lecteurs de bande dessinée admettent assez facilement ce jeu. De nombreuses bandes dessinées de science fiction, et assez de nouvelles et de romans de ce genre, jouent de ce décalage où le héros (souvent éponyme) est un personnage ordinaire se retrouvant dans une situation extraordinaire. Dans la littérature, plusieurs auteurs ont souvent utilisé ce procédé, Fredric Brown, R. A. Lafferty et James Tiptree, Jr. sur le mode comique, humoristique ou décalé, Serge Brussolo, Philip K. Dick et Thomas M. Disch dans des genres plus sérieux quoi que souvent non dénués d’ironie.

Sur Abû al-Fath al-iskandarî

Abu al-Fath al-Iskandari
Batal Maqamat Badi al-Zaman wa-shakhsiyatuhu al-majhulah
by Muhammad Abd al-Munim Khafaji
Publié : 1996, Maktabat al-Anjlu al-Misriyah

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