mercredi 18 mars 2009

Rencontre autour de La plume, la voix et le plectre



À l'occasion de la sortie de notre ouvrage: La plume, la voix et le plectre, une interview a été donnée à la Revue Kalila. En voici le contenu.

Kalila : Pourquoi ce titre : ‘’La plume, la voix et le plectre’’ ?

Saadane Benbabaali : C’est un titre s’est imposé à moi naturellement grâce au sujet que traite le livre : la nawba andalouse. Celle-ci est en effet l’œuvre de trois protagonistes fondamentaux: le poète, le chanteur et l’instrumentiste. Le premier, avec sa plume, a composé les merveilleux poèmes appelés muwashshat et azdjâl, le second les fait vivre grâce à sa voix et le troisième les habille de superbes mélodies grâce son plectre. Enfin, pour la petite histoire, ce livre est né grâce à Beihdja Rahal qui est « la voix », mon ami Naji Hamma qui est le plectre et moi-même qui suis la plume de cet ouvrage. Je rappelle que le livre est accompagné d’un superbe album où Beihdja Rahal donne à savourer la nawba Raml.

Kalila : Quel objectif visiez-vous à travers cet ouvrage qui se veut, je suppose, pédagogique ?

S. B. : Ce livre est une contribution à la défense et à l’illustration de cet héritage inestimable qu’est la nawba andalouse. Son répertoire, hérité de nos ancêtres andalous, a été façonné et enrichi par les générations d’interprètes et de musiciens maghrébins qui lui ont donné son empreinte finale. Nous voulions rendre hommage à tous les artisans qui ont donné à cette musique une dimension universelle. Le texte de l’ouvrage se veut à la fois pédagogique par les analyses qui y sont développées et esthétique par son mode d’expression, sa part poétique et les photos magnifiques qui s’y trouvent. Il s’agit d’une étude complète du muwashshah et du système de la nawba ainsi que la traduction des poèmes chantés par Beihdja Rahal. Sans nier l’importance de ce qui a déjà été publié au sujet de la sanaa algérienne nous avons tenté d’apporter une nouvel éclairage dans un domaine où les œuvres théoriques sérieuses sont plutôt rares. C’est un ouvrage qui, je l’espère, permettra de répondre à certaines questions tout en donnant du plaisir à ses lecteurs.

Kalila : Vous êtes spécialiste de la littérature arabo-andalouse. Vous appuyez également des associations qui perpétuent ce patrimoine et œuvrent à le promouvoir en France. Le fait d’avoir coécrit cet ouvrage s’inscrit-il dans cette même optique ?

S. B. : Cela fait plus de 30 ans que je suis entré dans l’univers magique de la musique et de la poésie andalouses et je crois que je ne le quitterai jamais tant que je serai en vie. Ibn Sanaa al-Mulk, un lettré égyptien du 13e siècle écrivait à leur propos que “ leur connaissance est un enrichissement pour l’esprit et leur ignorance une tare. Celui qui continue à ignorer les muwashshahât après les avoir entendues n’a pas sa place dans le monde civilisé.” Au lieu d’être un simple consommateur, je partage depuis des années, avec tous les amateurs de cette tradition musicale, les résultats de mon travail de chercheur en poésie andalouse et ma pratique de cette musique. J’exprime à cette occasion ma gratitude à tous les amis qui m’ont permis de percer quelques secrets de la nawba et notamment Farid Bensarsa, qui dirige l’Ensemble El Mawsili. J’ai d’abord contribué à la diffusion de la poésie andalouse en introduisant son enseignement à la Sorbonne où j’exerce mon métier. Ensuite j’ai fait connaître la richesse du muwashshah et de la nawba et le travail des Associations de musique grâce aux conférences que j’ai données sur le sujet au Portugal, en Espagne, en Angleterre, en Syrie et récemment à l’Université d’Alger. J’ai traduit des dizaines de poèmes chantés par Nassima, Larinouna, Omar Benamara et surtout Beihdja Rahal avec qui je travaille depuis de longues années. Enfin, avec La Pllume, la Voix et le Plectre, j’entame, en collaboration avec Beihdja Rahal, une série de publications concernant des poètes et des interprètes de l’art arabo-andalou-maghrébin.

Kalila : Vous êtes en France et il existe plusieurs associations qui travaillent pour faire connaitre cette musique savante dans l’Hexagone. Quelle appréciation apportez-vous à leur travail, noble en soi, et quelle est la place de cette musique dans le paysage culturel en France, au moment où la diversité, mais sur d’autres plans, est dans l'air du temps ?

S. B. : Il faut absolument saluer le travail de tous les acteurs - musiciens, interprètes, enseignants, éditeurs – qui oeuvrent en France à la préservation et à la transmission de ce patrimoine musical. Par leur travail, ils contribuent à la visibilité de la communauté maghrébine par ce qu’elle a de plus raffiné et de plus valorisant : la poésie, le chant et la musique. J’ai côtoyé pendant plus de trois décennies des femmes et des hommes dont j’ai pu constater qu’ils sont les dignes “héritiers de Ziryab“. Paris est devenue une capitale de la nawba andalouse avec des Associations comme El Mawsili, Amel, as-Safina, les Airs Andalous, Al-Andalousiyya, Maya etc…sans parler de l’enseignement discret mais combien efficace de Beihdja Rahal ainsi que d’autres personnes que je ne peux pas toutes citer. Ces Associations transmettent l’héritage andalou dans toute sa diversité avec des approches différentes mais complémentaires. Grâce à elles, la musique andalouse a maintenant un public nombreux et fidèle que l’on retrouve à tous les concerts donnés dans les salles parisiennes du C.C.A, de l’I.M.A, du Théâtre de la Ville etc… La Plume, la voix et le Plectre est dédié à tous les artistes et amateurs de la musique andalouse. Sa publication en Algérie, par les Éditions Barzakh, grâce au soutien de l’ONDA, est notre façon de partager ce que nous avons appris en France avec nos compatriotes et de maintenir les liens avec notre patrie d’origine.

2 commentaires:

Zoheir a dit…

Bonjour.
J'ai assisté à la conférence. J'y ai beaucoup appris d'ailleurs.
Merci beaucoup.
Zoheir

Benbabaali saadane a dit…

Merci pour ton intérêt et pour ton message!

Saadane Benbabaali