dimanche 13 septembre 2009

AL-HAMADHÂNÎ, créateur du genre maqâmât


Al-Hamadhânî est l’exemple d’une réussite complète par une soumission totale aux exigences de la mode de la société.
Abû al-Fadl Ahmad Ibn al-Husayn devenu célèbre sous l’ethnique d’al- Hamadhânî est souvent aussi nommé Badî‘al-Zamân « la Merveille du Temps ». Il est difficile de savoir si cette appellation flatteuse lui a été attribuée de son vivant ou seulement après sa mort.

Né à Hamadhân un peu avant l’an 358/968-69, on connaît peu de choses sur sa vie. Margoliouth donne les sources biographiques le concernant dans son article de l’Encyclopédie de l’Islam (Hamadhânî, EI, II, p. 257). Il se réclamait lui-même d’origine arabe et se gaussait d’être né à Hamadhân. De famille modeste, mais de père certainement cultivé car les lettres que lui adressait son fils sont d’un style fort travaillé et plein d’afféterie. Il passe les premières de sa vie dans sa ville natale où il subit sans doute l’influence familiale chiite. Mais il semble être passé ensuite au sunnisme d’après un texte assez obscur inséré dans ses Épitres (p. 327) où il demande à être enterré d’après les rites sunnites.

D’une précocité remarquable, il possède une mémoire prodigieuse. Il fait des études brillantes principalement sous la direction du philosophe Ibn al-Fâris (2) avec lequel il garda toute sa vie une relation de confiance. Al-Hamadhânî se distingue par une virtuosité à manier la langue arabe dans laquelle il composa des poèmes et des textes en prose qui suscitèrent l’admiration de ses contemporains. Il avait également une excellente connaissance du persan. « Il pouvait traduire impromptu en vers arabes les vers persans qu’on lui proposait et qui contenaient les idées les plus rares ». À ces dons, al-Hamadhânî joignait un physique agréable, un maintien élégant, un enjouement, un esprit plein de séduction et une verve dangereuse pour ses rivaux. Il disposait ainsi de toutes les qualités pour briller et s’imposer dans les cours de Perse.
Mais, à 22 ans, le jeune prodige, trop à l’étroit dans sa ville natale, va s’installer à Rayy, capitale du sultanat bouyide où règne une vie intellectuelle à la mesure de ses ambitions.
Hamadhânî, à son arrivée est admis à la cour du vizir Ibn ‘Abbâd parmi les poètes, écrivains et beaux esprits des autres villes de Perse Septentrionale. Il tira de cette situation des avantages matériels. Cependant, il abandonna bientôt ce foyer culturel (à cause d’une mésentente avec le vizir Ibn ‘Abbâd ?). Il se dirige vers Djurdjân au bord de la mer Caspienne et rencontre (selon Tha‘alibî, Yatimat, IV, p. 168) des chiites ismaëliens sectateurs.
Ensuite, il se dirige vers le Khurasân. Nichapûr est alors un centre urbain prospère, le plus opulent et le plus actif de cette partie du monde musulman. Une population fort mêlée : riche bourgeoisie , prolétariat frondeur et la secte hérétique des Qarmates y avait de nombreux adeptes. Une vie intellectuelle active y régnait avec des salons littéraires et des mécènes et les premières madrasas fondées en Islam. Malgré les résurgences de la littérature iranienne (Firdawsi rédigeait Le Livre des Rois),l’arabe demeurait la langue officielle et la langue de la civilisation. La poésie et les épîtres en cet idiome demeuraient donc à l’honneur dans l’aristocratie et aussi chez les fonctionnaires.
Hamadhânî noue des relations utiles avec quelques mécènes de Nichapur. Dès son arrivée, il entre en compétition avec un adversaire de taille : le célèbre Abû Bakr al-Khârizmî (323/ 914-383/993). Aidé par quelques notables de Nichapur, fort indisposés contre al-Khârizmî, le jeune Hamadhânî avait des avantages sérieux et al-Khârizmî dut reconnaître sa défaite après une longue lutte. « Il ne fut plus, alors, de ville au Khurasân, au Sistân et dans les pays du Ghazn où al-Hamadhânî n’entrât et où, prince, émir, vizir et gouverneur ne fissent pleuvoir sur lui leurs dons » .
On connaît moins nettement les périodes suivantes de sa vie :
- quitta-t-il le Khurasân en 385/ 995 pour Zaranj, capitale du Sistân auprès de l’émir Khalaf?
- Alla-t-il se fixer à Hérat ?
Un riche mariage lui assura semble t-il considération fort bien assise, fortune, achat de terres.
Nous ne savons plus rien sur les années qui suivirent son arrivée à Hérat : eut-il une fin de vie heureuse et sans histoire ?
Il ne vieillit pas puisqu’il mourut jeune avant de dépasser la quarantaine en 398/ 22 Fév. 1008. Al-Hamadhâni serait tombé en léthargie et aurait été enterré prématurément. Il aurait repris ses sens dans la tombe mais, lorsqu’on serait venu à son secours, il était déjà trop tard.

Notes sur ce chapitre :
1. La date de naissance se déduit d’une indication de Tha‘alibî ( Yatîmat al-Dahr, IV, p. 169) « quand il eut dépassé quarante ans, Allâh la rappela à lui et il quitta ce monde en l’an 398 (= sept. 1007- août 1008) ».
2. Auteur d’un précis de grammaire et d’un dictionnaire, Ahmad Ibn al-Fâris passa presque toute sa vie à Hamadhân avant d’être appelé à Rayy, comme précepteur du prince bouyide Fakhr ad-Dawla ; il mourut en 395/1004. Voir EI, II, (Ben Cheneb), p. 399.
Notes de S. Benbabaali d'après l'ouvrage de Blachère et Masnou

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