Aḥmad Badīʿ al-Zamān «le Prodige du Siècle», écrivain et épistolier arabo-iranien, naquit à Hamad̲h̲ān en 358/968 et mourut à Herāt en 398/1008. Il fit ses premières études dans sa ville natale où il eut pour maître Ibn Fāris [q.v.]. Servi par une mémoire et des dons exceptionnels, il se signala très tôt à l’attention par sa virtuosité dans le maniement de l’arabe et du persan. Il semble être resté d’obédience s̲h̲īʿite pendant la plus grande partie de sa vie. Vers l’âge de 22 ans, il s’installe à Rayy où l’ambiance intellectuelle paraît favorable à ses desseins; le vizir Būyide Ibn ʿAbbād [q.v.] lui accorde sa protection; il est possible que dans cette ville le jeune homme se soit commis avec la truanderie locale et notamment avec le poète bohème Abū Dulaf, familier du vizir (voir al-T̲h̲aʿālibī. III, 175-94). Il est donné à penser que de ces contacts naît alors chez al-Hamad̲h̲ānī l’idée de composer certaines de ses premières «Séances». Peut-être à la suite d’une brouille, le jeune homme se rend à Ḏj̲urd̲j̲ān où il serait entré en relation avec des éléments ismāʿīliens. En 382/992 il gagne Nīs̲h̲āpūr, vraisemblablement attiré par l’éclat et l’activité de cette métropole intellectuelle; il s’y fait des relations utiles, mais entre en conflit avec l’épistolier Abū Bakr al-Ḵh̲wārizmī, alors à l’apogée de sa gloire; il l’emporte ¶ finalement et éclipse son adversaire qui en meurt de dépit. A partir de ce moment, al-Hamad̲h̲ānī entreprend une série de voyages qui sont autant de triomphes; peut-être se rend-il à Zarand̲j̲ (dans le Sīstān) auprès de l’amīr Ḵh̲alaf dont il est le panégyriste et le favori. Après la déposition des Sāmānides, il s’attache quelque temps au G̲h̲aznawide Maḥmūd qu’il chante (voir al-Thaʿālibī, IV, 200) avant de s’installer définitivement à Herāt où il meurt à peine âgé de 40 ans; il se serait rallié au Sunnisme peu de temps auparavant.
De son vivant, al-Hamad̲h̲ānī paraît s’être fait une certaine réputation comme poète; le recueil de vers parvenu sous son nom (éd. Caire 1903) ne révèle cependant pas d’originalité et, par les sujets traités comme par le style, il s’apparente aux œuvres en vers nées à cette époque dans les cercles de beaux esprits du ʿIraḳ ou d’Iran. D’une signification identique sont les «Epîtres» ou Rasāʾil en prose rimée et rythmée dont une partie a été publiée (éd. Istanbul 1298, Beyrouth 1890); l’éclat du style souvent affecté ne parvient pas à faire admettre que tant d’art ait été mis au service de tant de mondanité et de vaines préoccupations. D’un tout autre intérêt est au contraire le volume de Maḳāmāt ou «Séances» qui a fait passer le nom de cet écrivain à la postérité.
A juste titre, al-Hamad̲h̲ānī apparaît comme le créateur de ce genre. L’hypothèse de Zakī Mubārak posant que l’ébauche de la «Séance» se trouve chez le grammairien Ibn Durayd, part d’une mauvaise interprétation d’un passage d’al-Ḥuṣrī. La composition de ces Maḳāmāt, commencée vers 380/990, semble s’être étendue sur de longues années. Al-Hamad̲h̲ānī n’en n’aurait pas dicté moins de quatre cents; on n’en connaît plus que cinquante-deux. Ces «saynètes» sont de longueur assez variable, mais ne dépassent guère quelques pages; elles sont construites selon un rigoureux équilibre; elles sont en prose rimée et rythmée mêlée de vers; le style savant, parfois précieux, constitue le souci principal, mais non unique de l’auteur. Celui-ci en effet se montre bon observateur des choses de la vie et des hommes; par ses contacts avec la truanderie, il est poussé à faire une place assez importante à ceux qui la représentent; une séance est même consacrée à l’argot de cette pègre; le petit peuple est présent dans ces récits, tout autant que la bourgeoisie et les lettrés; la satire des mœurs, si rare dans la littérature arabe, s’y développe en traits burlesques et piquants; certaines séances sont parfois aussi le panégyrique de mécènes. On peut dire que chez al-Hamad̲h̲ānī. la Maḳāma est un reflet du milieu contemporain. A cet écrivain revient enfin le mérite d’avoir donné son cadre à ce genre; à l’exception en effet de quelques «saynètes» qui sont des récits se situant dans le passé (ainsi la Séance de G̲h̲aylān, éd. Beyrouth, 43-8), la plus grande partie du recueil est constituée de récits mettant en scène un bohème aussi cultivé que cynique et un bourgeois victime de sa crédulité. La «Séance» ainsi conçue devait servir de modèle pendant près d’un millénaire [voir maḳāma].
(R. Blachère)
Bibliography
T̲h̲aʿālibī. Yatīma, IV, 167 sqq.
Ibn Ḵh̲allikān. Caire 1310, I, 39
Maḳāmāt éditées à Istanbul en 1298/1881, à Beyrouth par Muḥ. ʿAbduh en 1889, 1908 (?), 1924, 1958, au Caire par ʿAbd al-Ḥamīd en 1342/1923
traductions par S. de Sacy, Chrestomathie arabe, III, 78 sqq. (6 séances), par Grangeret de Lagrange, Anthologie arabe, 153 sqq. (3 séances), par O. Rescher, dans Beiträge zur Maqamen-littératur, V Leonberg 1913), par W. Prendergast, The maqāmāt of Badīʿ az-Zamān (Madras-Londres 1915)
par ¶ F. Gabrieli dans Rend. Lincei, 1949 (1 séance). — Études sur le genre et l’auteur: Z. Mubārak, La prose arabe au IV e siècle de l’Hégire, Paris 1931, 148 sqq.
R. Blachère, Etude sémantique sur le nom Maqāma, dans Machriq, 1953, 646 sqq.
R. Blachère et P. Masnou, Choix de maqāmāt, traduites de l’arabe avec une étude sur le genre, Paris 1957 (avec le reste de la bibliographie)
cf. Brockelmann, I, 93 sqq. et SI, 150 sqq.
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Blachère, R.. "al-Hamad̲h̲ānī." Encyclopédie de l’Islam. Brill Online, 2013. Reference. SCD PARIS III SORBONNE NOUVELLE. 28 September 2013
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