
De son vivant, al-Hamad̲h̲ānī paraît s’être fait une certaine réputation comme poète; le recueil de vers parvenu sous son nom (éd. Caire 1903) ne révèle cependant pas d’originalité et, par les sujets traités comme par le style, il s’apparente aux œuvres en vers nées à cette époque dans les cercles de beaux esprits du ʿIraḳ ou d’Iran. D’une signification identique sont les «Epîtres» ou Rasāʾil en prose rimée et rythmée dont une partie a été publiée (éd. Istanbul 1298, Beyrouth 1890); l’éclat du style souvent affecté ne parvient pas à faire admettre que tant d’art ait été mis au service de tant de mondanité et de vaines préoccupations. D’un tout autre intérêt est au contraire le volume de Maḳāmāt ou «Séances» qui a fait passer le nom de cet écrivain à la postérité.
A juste titre, al-Hamad̲h̲ānī apparaît comme le créateur de ce genre. L’hypothèse de Zakī Mubārak posant que l’ébauche de la «Séance» se trouve chez le grammairien Ibn Durayd, part d’une mauvaise interprétation d’un passage d’al-Ḥuṣrī. La composition de ces Maḳāmāt, commencée vers 380/990, semble s’être étendue sur de longues années. Al-Hamad̲h̲ānī n’en n’aurait pas dicté moins de quatre cents; on n’en connaît plus que cinquante-deux. Ces «saynètes» sont de longueur assez variable, mais ne dépassent guère quelques pages; elles sont construites selon un rigoureux équilibre; elles sont en prose rimée et rythmée mêlée de vers; le style savant, parfois précieux, constitue le souci principal, mais non unique de l’auteur. Celui-ci en effet se montre bon observateur des choses de la vie et des hommes; par ses contacts avec la truanderie, il est poussé à faire une place assez importante à ceux qui la représentent; une séance est même consacrée à l’argot de cette pègre; le petit peuple est présent dans ces récits, tout autant que la bourgeoisie et les lettrés; la satire des mœurs, si rare dans la littérature arabe, s’y développe en traits burlesques et piquants; certaines séances sont parfois aussi le panégyrique de mécènes. On peut dire que chez al-Hamad̲h̲ānī. la Maḳāma est un reflet du milieu contemporain. A cet écrivain revient enfin le mérite d’avoir donné son cadre à ce genre; à l’exception en effet de quelques «saynètes» qui sont des récits se situant dans le passé (ainsi la Séance de G̲h̲aylān, éd. Beyrouth, 43-8), la plus grande partie du recueil est constituée de récits mettant en scène un bohème aussi cultivé que cynique et un bourgeois victime de sa crédulité. La «Séance» ainsi conçue devait servir de modèle pendant près d’un millénaire [voir maḳāma].
(R. Blachère)
Bibliography
T̲h̲aʿālibī. Yatīma, IV, 167 sqq.
Ibn Ḵh̲allikān. Caire 1310, I, 39
Maḳāmāt éditées à Istanbul en 1298/1881, à Beyrouth par Muḥ. ʿAbduh en 1889, 1908 (?), 1924, 1958, au Caire par ʿAbd al-Ḥamīd en 1342/1923
traductions par S. de Sacy, Chrestomathie arabe, III, 78 sqq. (6 séances), par Grangeret de Lagrange, Anthologie arabe, 153 sqq. (3 séances), par O. Rescher, dans Beiträge zur Maqamen-littératur, V Leonberg 1913), par W. Prendergast, The maqāmāt of Badīʿ az-Zamān (Madras-Londres 1915)
par ¶ F. Gabrieli dans Rend. Lincei, 1949 (1 séance). — Études sur le genre et l’auteur: Z. Mubārak, La prose arabe au IV e siècle de l’Hégire, Paris 1931, 148 sqq.
R. Blachère, Etude sémantique sur le nom Maqāma, dans Machriq, 1953, 646 sqq.
R. Blachère et P. Masnou, Choix de maqāmāt, traduites de l’arabe avec une étude sur le genre, Paris 1957 (avec le reste de la bibliographie)
cf. Brockelmann, I, 93 sqq. et SI, 150 sqq.
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Blachère, R.. "al-Hamad̲h̲ānī." Encyclopédie de l’Islam. Brill Online, 2013. Reference. SCD PARIS III SORBONNE NOUVELLE. 28 September 2013
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