mercredi 18 mars 2009

À la découverte de la littérature arabe de Heidi Toelle et Katia Zakharia


Heidi Toelle et Katia Zakharia, professeurs de littérature arabe aux universités de Paris-3 et Lumière-Lyon-2, mettent à la disposition du lecteur français un ouvrage lentement et minutieusement élaboré qui tente de tracer dans ses grandes lignes l’évolution de la littérature arabe – bien que ce qualificatif n’ait pas au cours des temps la même signification – de la période préislamique jusqu’au XXIème siècle. C’est un rappel : le patrimoine arabe participe de l’universel et par là encore nous concerne. C’est aussi l’occasion de revoir certaines interprétations.
Dès l’introduction sont annoncées les trois parties. La première – les onze siècles de la littérature classique écrite par Katia Zakharia – est abordée par le biais de l’histoire littéraire, puis par celui des genres. Ici, comme ailleurs, la littérature est « un des creusets privilégiés où se précipitent les contradictions » Dans les siècles passés, monde arabo-musulman classique et médiéval se sont réciproquement influencés, avec des modes d’expression spécifiques.
Des aspects sont attentivement étudiés : période préislamique ; à partir du VIIème siècle l’importance fondamentale du Coran, religion et civilisation modelant la société ; les étapes de la production andalouse ; l’âge d’or de la grammaire arabe au Xème siècle ; Ibn Khaldoun ; les géographes du XIème siècle ; les œuvres savantes et populaires telles les Mille et Une Nuits et les avatars de leurs traductions.
La seconde partie, fort brève, est écrite en collaboration ; elle va du XVIème au XVIIIème siècle. La prise du pouvoir par les Ottomans porte un coup d’arrêt à la littérature classique en langue arabe, déjà précédemment en crise. Pendant cette période, peu étudiée, donc mal connue, s’élabore cependant avec lenteur une identité arabe.
La troisième partie est due à Heidi Toelle. Les artisans de la Renaissance arabe, d’abord au Moyen-Orient, en Egypte, entrent en contact avec la littérature occidentale. Les auteurs cherchent à s’approprier les techniques nouvelles et simultanément reexploitent les richesses de leur patrimoine. Naissent de nouveaux genres : le roman – dans sa forme moderne – le théâtre ; les formes traditionnelles, comme la poésie, sont radicalement transformées. Les bouleversements politiques et sociaux conduisent à de nouvelles conceptions de la littérature, en particulier l’affirmation de l’individu. Comme en Occident, et pour des raisons identiques, la littérature devient instrument de combat politique. Devant les déconvenues, les défaites subies par les Etats arabes, surtout dès le troisième tiers du XXème siècle, les auteurs, en majorité, prennent conscience de leur impuissance à changer le cours des choses.
La périodisation usitée n’a qu’une fonction indicative, les jalons factuels également ; ils facilitent néanmoins la mise en relation de l’histoire et de la littérature : « la défaite de 1967 se répercute à la fois sur le contenu des œuvres et sur le mode d’écriture, mais elle le fait de manière diversifiée selon les auteurs et selon les pays »
Cet ouvrage, original en français, vise à donner le goût des œuvres – ou du moins des traductions signalées ; il offre des approches pour les connaître, voire les approfondir. C’est l’occasion de saisir de l’intérieur l’évolution à la fois historique et littéraire d’une vaste ère de civilisation, souvent mal connue, malgré ses nombreuses créations.
Monique Jouffroy.

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