« L’étude des mœurs, dans les centres urbains d’Égypte, de Syrie,d’Irak et de Perse au IVe/ Xe siècle est de celles qu’un islamologue n’aborde pas sans prévoir les difficultés et les déceptions qui le guettent.
Sans doute, par les chroniqueurs contemporains ou plus tardifs, parvient-on à savoir quelle importance conservent ou conquièrent des villes comme Fostat, Damas, Alep, Bagdad, Ispahan, Chiraz ou Rayy. Par un emploi judicieux des Prairies d’or Mas‘ûdî (1) ou de la Chronique universelle d’Ibn al-Athîr (2), par une utilisation convenable des Expériences des Nations d’Ibn Miskawayh (3), des Annales de Damas d’Ibn al-Qalânisî (4), enfin par une consultation des compilations historico-biographiques centrées sur Alep, Damas ou Bagdad (5), on y trouve certains aspects de la vie en des cités promues au rang de capitales provinciales après la désagrégation du Califat ‘abbasîde au milieu du IVe/ Xe siècle. A travers aussi quelques oeuvres historiographiques comme la savoureuse Chroniques (des califes ar-Râdî et al-Muttaqî) du scribe al-Sûlî (6) ou grâce au suggestif Livre des vizirs du fonctionnaire chrétien converti Hilâl as-Sabi’î (7) il est aisé de pénétrer dans la vie de cour, avec ses potins, ses intrigues et ses remous qui s’achèvent souvent en tragédies. Par le recours enfin aux oeuvres géographiques, notamment à La Meilleure division des régions du palestinien Muqaddasî (8) ou du Livre des Voyages du persan Nasir i-Khosraw (9), on arrive à avoir une idée de l’activité économique et intellectuelle des centres urbains. »
Notes (1 à 8)
1. Les Murûdj al-dhahab (Prairies d’or),d’Abû-l-Hasan ‘Alî al-Mas‘ûdî (m. vers 345/ 956 en Égypte ) ont été éditées et traduites par Barbier de Meynard et Pavet de Courteille. Sur ce voyageur et « logographe », voir Encyclopédie de l’Islam (Brockelmann), III, p. 457.
2. ‘Izz-ad-Dîn Abû-l-Hasan ‘Alî Ibn al-Athîr ( m. en 630/ 1234 à Mossoul ) a laissé entre autres ouvrages, une chronique intitulée Al-Kâmil fî al-Târîkh qui va de création du monde à l’an 628/1232. Pour la période antérieure à l’auteur, l’ouvrage n’est qu’une compilation d’ailleurs bien ordonnée et procédant d’un choix judicieux. Voir EI II, p. 387.
3. Sous le titre Tadjârib al-Umam (Les Expériences des Nations), le médecin et philosophe Abû ‘Alî Ahmad Ibn Miskawayh (m. en 422 / 1030) a laissé une chronique s’arrêtant à l’an 369/979. Simple compilation pour les périodes antérieures à l’auteur cet ouvrage est au contraire une source essentielle et de première main pour les années 951 à 979, à cause des fonctions administratives exercées par Ibn Miskawayh qui donnaient à celui-ci des moyens d’information directs et sûrs. Des fragments de cette chronique sont accessibles dans des traductions anglaises d’Amedroz et de Margoliouth. Voir EI, II, p. 429, à compléter par Sauvaget, Intr., p. 132.
4. Abû Ya‘lâ Hamza Ibn al-Qalânisî ( m. à Damas en 555 / 1160) a laissé une chronique dont subsistent des fragments pleins d’intérêt pour l’histoire politique et économique de la grande cité syrienne.Voir Sauvaget , Intr., Historiens, p. 82 et suiv.
5. Dès le 11e siècle, s’est constituée une littérature portant le titre d’Histoire de Coufa, Histoire de Bagdad, Histoire d’Alep, etc., dont les auteurs, après une introduction sur la topographie et l’histoire de la ville, donnent la biographie des personnages fameux qui sont nés ou ont séjourné dans la ville ; elles fourmillent de détails précieux qu’il faut avoir la patience de découvrir.
6. Secrétaire de la Chancellerie, courtisan et intime du calife de Bagdad, poète et bel esprit, Abû Bakr Muhammad as-Sûlî (m. en 355/ 946) reste célèbre comme historiographe des deux Califes de Bagdad. Ses Akhbâr ar-Râdî wa-l-Muttaqî ( Chroniques des califes ar-Râdî et al-Muttaqî) sont probablement la dernière partie d’un ouvrage plus étendu intitulé Kitâb al-Awrâq (Livre des Feuilles) ; elles sont accessibles en français grâce à une excellente traduction de M. Canard dans Publications de l’Institut d’Études orientales d’Alger, 1946. Cf EI, IV, p. 567 ; Sauvaget, Historiens, p. 32.
7. Issu d’une famille de savants et de fonctionnaires originaires de Harrân, en Syrie, Hilâl as-Sâbi’î (le sabéen), mort en 448/1056, a écrit une chronique et un ouvrage historiographique sur les vizirs abbasides du Xe siècle dont seuls subsistent des fragments. Par sa position, Hilâl, puise à des sources sûres et son information éclaire bien le milieu aristocratique de Bagdad, à son époque. Voir EI, IV, p. 21.
8. Des quelques ouvrages de géographie descriptive datant du Xe siècle, celui du palestinien Muqaddasî, morts vers 391/1000, est le plus riche par la variété et la sagacité de son information. Voir EI, III, p. 757. Sauvaget, Historiens, p. 65.
9. Le Safarnameh « Livre de voyages » du poète et philosophe persan Nasîr-i-Khusraw, mort en 452/1060, est accessible dans la traduction de Shefer. C’est une mine de renseignements précieux consigné par un esprit élevé autant que tourmenté, au cours d’un voyage effectué en 1045 depuis la Perse jusqu’au Hédjaz et au Caire. Voir EI, III, p.929.
AL-HAMADĀNI, Choix de Maqāmāt (Séances), trad. Régis Blachère et Pierre MASNOU, I vol. in-8°, x + 142 p. (Coll. Études arabes et islamiques, textes et traductions 2), Paris (Klincksieck), 1957, pp.1-2.
à suivre...
Sans doute, par les chroniqueurs contemporains ou plus tardifs, parvient-on à savoir quelle importance conservent ou conquièrent des villes comme Fostat, Damas, Alep, Bagdad, Ispahan, Chiraz ou Rayy. Par un emploi judicieux des Prairies d’or Mas‘ûdî (1) ou de la Chronique universelle d’Ibn al-Athîr (2), par une utilisation convenable des Expériences des Nations d’Ibn Miskawayh (3), des Annales de Damas d’Ibn al-Qalânisî (4), enfin par une consultation des compilations historico-biographiques centrées sur Alep, Damas ou Bagdad (5), on y trouve certains aspects de la vie en des cités promues au rang de capitales provinciales après la désagrégation du Califat ‘abbasîde au milieu du IVe/ Xe siècle. A travers aussi quelques oeuvres historiographiques comme la savoureuse Chroniques (des califes ar-Râdî et al-Muttaqî) du scribe al-Sûlî (6) ou grâce au suggestif Livre des vizirs du fonctionnaire chrétien converti Hilâl as-Sabi’î (7) il est aisé de pénétrer dans la vie de cour, avec ses potins, ses intrigues et ses remous qui s’achèvent souvent en tragédies. Par le recours enfin aux oeuvres géographiques, notamment à La Meilleure division des régions du palestinien Muqaddasî (8) ou du Livre des Voyages du persan Nasir i-Khosraw (9), on arrive à avoir une idée de l’activité économique et intellectuelle des centres urbains. »
Notes (1 à 8)
1. Les Murûdj al-dhahab (Prairies d’or),d’Abû-l-Hasan ‘Alî al-Mas‘ûdî (m. vers 345/ 956 en Égypte ) ont été éditées et traduites par Barbier de Meynard et Pavet de Courteille. Sur ce voyageur et « logographe », voir Encyclopédie de l’Islam (Brockelmann), III, p. 457.
2. ‘Izz-ad-Dîn Abû-l-Hasan ‘Alî Ibn al-Athîr ( m. en 630/ 1234 à Mossoul ) a laissé entre autres ouvrages, une chronique intitulée Al-Kâmil fî al-Târîkh qui va de création du monde à l’an 628/1232. Pour la période antérieure à l’auteur, l’ouvrage n’est qu’une compilation d’ailleurs bien ordonnée et procédant d’un choix judicieux. Voir EI II, p. 387.
3. Sous le titre Tadjârib al-Umam (Les Expériences des Nations), le médecin et philosophe Abû ‘Alî Ahmad Ibn Miskawayh (m. en 422 / 1030) a laissé une chronique s’arrêtant à l’an 369/979. Simple compilation pour les périodes antérieures à l’auteur cet ouvrage est au contraire une source essentielle et de première main pour les années 951 à 979, à cause des fonctions administratives exercées par Ibn Miskawayh qui donnaient à celui-ci des moyens d’information directs et sûrs. Des fragments de cette chronique sont accessibles dans des traductions anglaises d’Amedroz et de Margoliouth. Voir EI, II, p. 429, à compléter par Sauvaget, Intr., p. 132.
4. Abû Ya‘lâ Hamza Ibn al-Qalânisî ( m. à Damas en 555 / 1160) a laissé une chronique dont subsistent des fragments pleins d’intérêt pour l’histoire politique et économique de la grande cité syrienne.Voir Sauvaget , Intr., Historiens, p. 82 et suiv.
5. Dès le 11e siècle, s’est constituée une littérature portant le titre d’Histoire de Coufa, Histoire de Bagdad, Histoire d’Alep, etc., dont les auteurs, après une introduction sur la topographie et l’histoire de la ville, donnent la biographie des personnages fameux qui sont nés ou ont séjourné dans la ville ; elles fourmillent de détails précieux qu’il faut avoir la patience de découvrir.
6. Secrétaire de la Chancellerie, courtisan et intime du calife de Bagdad, poète et bel esprit, Abû Bakr Muhammad as-Sûlî (m. en 355/ 946) reste célèbre comme historiographe des deux Califes de Bagdad. Ses Akhbâr ar-Râdî wa-l-Muttaqî ( Chroniques des califes ar-Râdî et al-Muttaqî) sont probablement la dernière partie d’un ouvrage plus étendu intitulé Kitâb al-Awrâq (Livre des Feuilles) ; elles sont accessibles en français grâce à une excellente traduction de M. Canard dans Publications de l’Institut d’Études orientales d’Alger, 1946. Cf EI, IV, p. 567 ; Sauvaget, Historiens, p. 32.
7. Issu d’une famille de savants et de fonctionnaires originaires de Harrân, en Syrie, Hilâl as-Sâbi’î (le sabéen), mort en 448/1056, a écrit une chronique et un ouvrage historiographique sur les vizirs abbasides du Xe siècle dont seuls subsistent des fragments. Par sa position, Hilâl, puise à des sources sûres et son information éclaire bien le milieu aristocratique de Bagdad, à son époque. Voir EI, IV, p. 21.
8. Des quelques ouvrages de géographie descriptive datant du Xe siècle, celui du palestinien Muqaddasî, morts vers 391/1000, est le plus riche par la variété et la sagacité de son information. Voir EI, III, p. 757. Sauvaget, Historiens, p. 65.
9. Le Safarnameh « Livre de voyages » du poète et philosophe persan Nasîr-i-Khusraw, mort en 452/1060, est accessible dans la traduction de Shefer. C’est une mine de renseignements précieux consigné par un esprit élevé autant que tourmenté, au cours d’un voyage effectué en 1045 depuis la Perse jusqu’au Hédjaz et au Caire. Voir EI, III, p.929.
AL-HAMADĀNI, Choix de Maqāmāt (Séances), trad. Régis Blachère et Pierre MASNOU, I vol. in-8°, x + 142 p. (Coll. Études arabes et islamiques, textes et traductions 2), Paris (Klincksieck), 1957, pp.1-2.
à suivre...
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