Apparue au 10ème / 4ème siècle, la maqāma est devenue grâce à son créateur, Badī‘ al-Zamān al-Hamadānī, un genre littéraire à part entière. Cependant, aussi spécifique que soit ce genre littéraire, il a une histoire et entretient un rapport de filiation avec des genres voisins qui l’ont précédé. Ce sont là les éléments que nous allons essayer d’éclaircir dans ce chapitre.
Au 10ème/4ème siècle, la littérature arabe accentue sa tendance à la mondanité. Les œuvres où se mélangeaient prose et poésie commençaient à naître. Celles-ci se déclamaient dans les salons, les cours et les assemblées appelées « mağālis al-uns/ » où leurs auteurs avaient le besoin de paraître et de briller pour faire valoir leurs dons d’orateurs et d’improvisateurs . C’est dans cette ambiance que la maqāma apparaît. Cependant, qu’en est-il de l’ambiance politique ?
Cette époque était caractérisée par la désagrégation du califat de Bagdad et la perte du pouvoir des mains des souverains abbassides au profit des chefs de la milice turque. Ce qui a provoqué l’apparition de principautés indépendantes en Egypte, en Syrie et en Perse. Ce trouble politique ne fut pas sans conséquence sur l’ambiance intellectuelle. En effet, ces perturbations étaient la cause de la décentralisation de l’activité culturelle dans le Proche et le Moyen-Orient, de l’accroissement des salons littéraires et enfin de la conformité des lettrés de l’époque aux règles du mécénat.
Mais quel fut le rapport de filiation entre la maqāma avec ce qu’il la précédait en littérature?
Nous pouvons retrouver les germes de ce nouveau genre qu’est la « maqāma » dans plusieurs autres genres littéraires antérieurs. Elle s’apparente à la fois au sermon, à la poésie sous ses formes diverses, à l’épître, au récit de voyage, et surtout aux ouvrages géographiques et à la littérature d’adab. Ce genre constitue l’ébauche d’une nouvelle forme littéraire qui est le théâtre. Ce rapprochement peut être constaté dans le déguisement du héros et l’attitude du récitant .
A présent, voyons de plus près les points de concordance et de divergence entre la maqāma et les deux genres auxquels elle s’apparente le plus, c’est-à-dire la littérature d’adab et les ouvrages géographiques.
Commençons par la littérature d’adab. Celle-ci est autonome et a ses règles et ses particularités. Elle est également appelée « littérature d'agrément » comportant un mélange entre vers et prose, « sağ‘ ». Elle portait en elle le modèle de l’éloquence arabe. Signalons que la prose arabe est apparue au 8ème / 2ème siècle avec Ibn al-Muqaffa‘ (721-757 / 102-134) . Et au cours du 9ème/3ème siècle, al-Ğāhiz (776-869 / 159-255) donne ses lettres de noblesse à cette forme d’écriture qui sera désignée par la prose d’adab.
Rappelons que la littérature d’adab était le mode d’expression général de l’époque. Elle avait pour dessein d’instruire, d’édifier et de corriger tout en distrayant. Elle met en scène des personnages historiques ou pseudo historiques dans des anecdotes où la morale est évidente. Elle se rapproche ainsi de la tradition « Hadit » pour la chaîne d’authenticité qui introduit chaque récit. Ceci pour la forme,mais qu’en est-il du public et quels étaient les thèmes traités ?
En effet, l'adab s'adresse à l’élite « hāssa » dont la culture sociale, politique, littéraire est vaste. Cependant, quand cette même littérature traitait des autres groupes de la société, la « ‘āmma », c'était toujours pour les présenter de manière satirique et ironique. En somme, nous dirons que la fonction de l'adab classique fixe des normes et impose des valeurs qui prescrivent les codes de la bonne conduite, dont leurs membres sont reconnus comme étant des gens raffinés « Zarîf ».
De la même manière, le genre maqāma continue très nettement la tradition de l’adab, par l’usage formel de la poésie et de la prose, par la recherche du mot insolite, par son dessein à la fois instructif et distrayant, par la présence d’une chaîne d’authenticité et enfin, par le choix du public.
Quant au deuxième genre littéraire auquel la maqāma s’apparente le plus, c’est le récit de voyage. Les ouvrages géographiques sont nommés «kutub al-mamālif wa l-masālik /livres des itinéraires et des royaumes ». Ce genre avait pour objectif de décrire l’empire musulman qui s’étendait, entre le 8ème / 2ème et 9ème / 3ème siècle, de l’Indus jusqu’au Pyrénées. Ces livres étaient des sortes de guides destinés à tous ceux qui se déplaçaient dans cet immense espace. Ce genre d’ouvrage, apparu en Orient, était plutôt général contrairement au genre d’ouvrage, apparu en Andalousie, qui était plus intime et personnel, une forme de journal de voyage.
En effet, le précurseur du genre « rihla » fut Ibn Ğubayr (1145–1217 / 540-614) . Ce dernier fit un voyage qui lui donna l’occasion d’observer et de vivre des expériences merveilleuses. C’est alors qu’il décida de les noter dans un journal de voyage. Le témoignage de ces voyageurs est très important pour l’histoire du monde musulman. Nous y observons, par exemple, des attestations sur l’invasion des Mongols en 1258 / 656 ou encore, sur le phare d’Alexandrie détruit plus tard par un tremblement de terre. Ceci pour dire que nous avons dans ces écrits les traces d’un monde disparu. Le genre « riḥla » avait donc pour but de relater des récits de voyage et de transmettre les connaissances acquises par le quêteur qui s’était mis sur le chemin du Savoir . Ces précisions étant énoncées, quelles sont alors les différences majeures entre les deux genres « rihla » et « maqāma » et où se rejoignent-ils ?
La différence la plus pertinente est due au fait que le discours des maqāmāt appartient à la fiction alors que les ouvrages géographiques découlent de l’observation directe ( ‘iyān / ) de faits réels ou considérés comme tels. Ainsi, le grand géographe de l’islam, al-Muqaddasī (m. 990 / 380) , dans son ouvrage « Ahsan al-taqāsīm fī ma‘rifat al-aqālīm/La meilleure répartition pour la connaissance des provinces », divise ce dernier en trois parties : ce qui a été vu, ce qui a été recueilli de personnes dignes de confiance et ce qui a été trouvé dans les ouvrages . Les maqāmāt se basent aussi sur l’observation directe rapportée par le narrateur,‘Īsā.
Par ailleurs, l’objectif de la première est de divertir alors que la seconde a un but utilitaire. Ainsi la première est destinée aux amateurs de la belle parole alors que la deuxième sert surtout aux voyageurs qui souhaiteraient s’aventurer sur des terres déjà parcourues par l’auteur d’une certaine rihla. Enfin, le dernier point de rapprochement entre ces deux genres réside dans le déplacement et le voyage quasi-continuel qui est à observer dans leurs récits.
Quant au deuxième genre littéraire auquel la maqāma s’apparente le plus, c’est le récit de voyage. Les ouvrages géographiques sont nommés «kutub al-mamālif wa l-masālik /livres des itinéraires et des royaumes ». Ce genre avait pour objectif de décrire l’empire musulman qui s’étendait, entre le 8ème / 2ème et 9ème / 3ème siècle, de l’Indus jusqu’au Pyrénées. Ces livres étaient des sortes de guides destinés à tous ceux qui se déplaçaient dans cet immense espace. Ce genre d’ouvrage, apparu en Orient, était plutôt général contrairement au genre d’ouvrage, apparu en Andalousie, qui était plus intime et personnel, une forme de journal de voyage.
En effet, le précurseur du genre « rihla » fut Ibn Ğubayr (1145–1217 / 540-614) . Ce dernier fit un voyage qui lui donna l’occasion d’observer et de vivre des expériences merveilleuses. C’est alors qu’il décida de les noter dans un journal de voyage. Le témoignage de ces voyageurs est très important pour l’histoire du monde musulman. Nous y observons, par exemple, des attestations sur l’invasion des Mongols en 1258 / 656 ou encore, sur le phare d’Alexandrie détruit plus tard par un tremblement de terre. Ceci pour dire que nous avons dans ces écrits les traces d’un monde disparu. Le genre « riḥla » avait donc pour but de relater des récits de voyage et de transmettre les connaissances acquises par le quêteur qui s’était mis sur le chemin du Savoir . Ces précisions étant énoncées, quelles sont alors les différences majeures entre les deux genres « rihla » et « maqāma » et où se rejoignent-ils ?
La différence la plus pertinente est due au fait que le discours des maqāmāt appartient à la fiction alors que les ouvrages géographiques découlent de l’observation directe ( ‘iyān / ) de faits réels ou considérés comme tels. Ainsi, le grand géographe de l’islam, al-Muqaddasī (m. 990 / 380) , dans son ouvrage « Ahsan al-taqāsīm fī ma‘rifat al-aqālīm/La meilleure répartition pour la connaissance des provinces », divise ce dernier en trois parties : ce qui a été vu, ce qui a été recueilli de personnes dignes de confiance et ce qui a été trouvé dans les ouvrages . Les maqāmāt se basent aussi sur l’observation directe rapportée par le narrateur,‘Īsā.
Par ailleurs, l’objectif de la première est de divertir alors que la seconde a un but utilitaire. Ainsi la première est destinée aux amateurs de la belle parole alors que la deuxième sert surtout aux voyageurs qui souhaiteraient s’aventurer sur des terres déjà parcourues par l’auteur d’une certaine rihla. Enfin, le dernier point de rapprochement entre ces deux genres réside dans le déplacement et le voyage quasi-continuel qui est à observer dans leurs récits.
L’étymologie :
Commençons par le terme « maqāma ». Il a plusieurs significations. Il a voyagé tout au long des siècles, par conséquent, il a beaucoup évolué . Nous avons relevé seulement deux sens du terme « maqāma » qui ont un rapport avec le genre en question. Nous nous limiterons simplement à la compréhension de la raison pour laquelle le genre maqāma porte ce nom, et cela à partir de son étymologie.
En effet, « maqāma » dérive de « qāma, yaqûmu, ’aqāma /» du radical « Q W M / », un verbe plutôt statique et qui implique l’idée de « se lever », « se tenir dans un lieu », ce qui est cohérent vu que la maqāma était contée par une personne qui se tenait debout devant un auditoire de personnes assises pour écouter les aventures du narrateur. Cela explique également la traduction de ce terme en français qui ne restitue évidemment pas toute la signification du terme arabe mais s’en rapproche quelque peu. En effet, ce dernier est traduit communément par « séance » qui dérive de l’ancien français du 12ème siècle « seoir », « être assis » et dont le substantif est « séance ». Il y a donc une opposition, dans la désignation de ce genre dans les deux langues. Ceci entre le narrateur qui est debout et l’auditeur qui est assis puisque « maqāma » implique la position du narrateur tandis que « séance » implique la position de l’auditeur.
Nous pouvons lire également dans le Coran quatorze fois le mot « maqām ». Parmi tant d’autres nous citons : « wa ammā man hāfa maqāma rabbi-hi wa nahā l-nafsa ‘ani-l-hawā / en revanche, quiconque a craint la séance de son Seigneur, a interdit l’âme aux passions ». Dans ce verset, « maqām » est le lieu où les croyants vont comparaître devant leur juge, en l’occurrence, Dieu. Ce moment est pour le croyant la dernière étape après la vie terrestre.
Quant au deuxième sens que nous avons relevé pour le terme « maqām », c’est celui qui le qualifie de propos tenus au cours des réunions dans les assemblées de notables où l’éloquence était au rendez-vous. Ensuite, et par extension, « maqāmāt » désignait alors des discours plus ou moins édifiants prononcés devant un public distingué . C’est peut-être en se basant sur cette acceptation qu’al-Hamadānī a adopté le terme « maqāma » pour désigner les discours édifiants d’Abū l-Fath al-Iskandarī. Cependant, nous ne constatons aucun lien étymologique entre le terme « maqām » et le voyage.
Les caractéristiques de la maqāma :
Passons maintenant aux spécificités et aux caractéristiques qui sont propres au genre « maqāma » que ce soit du point de vue formel, stylistique ou encore thématique.
La maqāma est caractérisée par l’emploi à la fois de la prose rimée et rythmée « sağ‘ » ainsi que de poésie comme nous l’avons déjà cité. Le souci principal de l’auteur était d’imposer un style savant, parfois même précieux. Ce qui fut une vraie réussite car la maqāma est cadencée, légère à l’écoute, mais aussi chargée de sens et d’éloquence par son vocabulaire recherché.
La maqāma est aussi caractérisée par l’existence de deux protagonistes. Le premier, narrateur principal,‘Isā Ibn Hišām est un bourgeois cultivé victime de sa naïveté. Le second, Abū l-Fath al-Iskandarī, est un bohème quelque peu parasite et aussi cultivé qu’immoral, ce qui ne l’empêche pas d’adresser à son auditoire des discours édifiants et moralisateurs.
Quant aux trois éléments fondamentaux sur lesquels reposent la maqāma, ce sont le voyage, la mendicité et le savoir. Ces trois éléments se trouvent justement réunis en la personne d’Abū l-Fath al-Iskandarī : il détient le savoir, c’est un grand voyageur et joue à la perfection le rôle du mendiant. Al-Ğāhiz est le premier à avoir introduit le personnage du mendiant « mukaddi / » dans « Kitāb al-buhalā’ / Le Livre des avares » où sont recensées « hiyal al-lusūs wa-l-mukaddīn / Les ruses des voleurs et des truands».
Commençons par le terme « maqāma ». Il a plusieurs significations. Il a voyagé tout au long des siècles, par conséquent, il a beaucoup évolué . Nous avons relevé seulement deux sens du terme « maqāma » qui ont un rapport avec le genre en question. Nous nous limiterons simplement à la compréhension de la raison pour laquelle le genre maqāma porte ce nom, et cela à partir de son étymologie.
En effet, « maqāma » dérive de « qāma, yaqûmu, ’aqāma /» du radical « Q W M / », un verbe plutôt statique et qui implique l’idée de « se lever », « se tenir dans un lieu », ce qui est cohérent vu que la maqāma était contée par une personne qui se tenait debout devant un auditoire de personnes assises pour écouter les aventures du narrateur. Cela explique également la traduction de ce terme en français qui ne restitue évidemment pas toute la signification du terme arabe mais s’en rapproche quelque peu. En effet, ce dernier est traduit communément par « séance » qui dérive de l’ancien français du 12ème siècle « seoir », « être assis » et dont le substantif est « séance ». Il y a donc une opposition, dans la désignation de ce genre dans les deux langues. Ceci entre le narrateur qui est debout et l’auditeur qui est assis puisque « maqāma » implique la position du narrateur tandis que « séance » implique la position de l’auditeur.
Nous pouvons lire également dans le Coran quatorze fois le mot « maqām ». Parmi tant d’autres nous citons : « wa ammā man hāfa maqāma rabbi-hi wa nahā l-nafsa ‘ani-l-hawā / en revanche, quiconque a craint la séance de son Seigneur, a interdit l’âme aux passions ». Dans ce verset, « maqām » est le lieu où les croyants vont comparaître devant leur juge, en l’occurrence, Dieu. Ce moment est pour le croyant la dernière étape après la vie terrestre.
Quant au deuxième sens que nous avons relevé pour le terme « maqām », c’est celui qui le qualifie de propos tenus au cours des réunions dans les assemblées de notables où l’éloquence était au rendez-vous. Ensuite, et par extension, « maqāmāt » désignait alors des discours plus ou moins édifiants prononcés devant un public distingué . C’est peut-être en se basant sur cette acceptation qu’al-Hamadānī a adopté le terme « maqāma » pour désigner les discours édifiants d’Abū l-Fath al-Iskandarī. Cependant, nous ne constatons aucun lien étymologique entre le terme « maqām » et le voyage.
Les caractéristiques de la maqāma :
Passons maintenant aux spécificités et aux caractéristiques qui sont propres au genre « maqāma » que ce soit du point de vue formel, stylistique ou encore thématique.
La maqāma est caractérisée par l’emploi à la fois de la prose rimée et rythmée « sağ‘ » ainsi que de poésie comme nous l’avons déjà cité. Le souci principal de l’auteur était d’imposer un style savant, parfois même précieux. Ce qui fut une vraie réussite car la maqāma est cadencée, légère à l’écoute, mais aussi chargée de sens et d’éloquence par son vocabulaire recherché.
La maqāma est aussi caractérisée par l’existence de deux protagonistes. Le premier, narrateur principal,‘Isā Ibn Hišām est un bourgeois cultivé victime de sa naïveté. Le second, Abū l-Fath al-Iskandarī, est un bohème quelque peu parasite et aussi cultivé qu’immoral, ce qui ne l’empêche pas d’adresser à son auditoire des discours édifiants et moralisateurs.
Quant aux trois éléments fondamentaux sur lesquels reposent la maqāma, ce sont le voyage, la mendicité et le savoir. Ces trois éléments se trouvent justement réunis en la personne d’Abū l-Fath al-Iskandarī : il détient le savoir, c’est un grand voyageur et joue à la perfection le rôle du mendiant. Al-Ğāhiz est le premier à avoir introduit le personnage du mendiant « mukaddi / » dans « Kitāb al-buhalā’ / Le Livre des avares » où sont recensées « hiyal al-lusūs wa-l-mukaddīn / Les ruses des voleurs et des truands».
Dans une maqāma typique d’al-Hamadānī, les évènements se succèdent dans l’ordre suivant : l’arrivée du narrateur dans une ville, la rencontre avec le héros déguisé, le discours, la récompense, la reconnaissance, la justification, la séparation. Chez al-Hamadānī, la maqāma commence toujours par la célèbre phrase préliminaire « haddatanā ‘Īsā Ibn Hišām, qāla : ‘Īsā Ibn Hišām nous a raconté ce qui suit : ». Cette introduction est prononcée par un narrateur fictif que nous désignerons par « le narrateur degré zéro ». Ce dernier est la personne qui prend la parole au début de chaque maqāma et qui présente les différents personnages de celle-ci.
Les maqāmāt sont le récit des aventures de ‘Isā Ibn Hišām et de ses multiples rencontres avec Abū l-Fath al-Iskandarī. Al-Hamadānī, raconte les histoires de ses héros de manière assez particulière. En effet, il donne la parole à un narrateur degré zéro créant ainsi « l’illusion réaliste » d’une véritable séance avec des personnages bien réels. Ce procédé rappelle l’utilisation dans les « hadīth » de la chaîne d’authenticité « isnād » qui atteste de la véracité de la parole du prophète. Mais la différence entre la chaîne d’authenticité du hadīt et celle de la maqāma réside dans le fait que les maillons de la chaîne d’authenticité du « hadīt » sont tous réels tandis que ceux de la maqāma sont fictifs (‘Isā Ibn Hišām et Abū l-Fath al-Iskandarī et le narrateur degré zéro).
Une fois la parole prise, nous constatons que le discours de la maqāma est réparti en unités symétriques rimant entre elles. Si ses balancements rythmiques permettent de l’apparenter à de la poésie elle reste cependant plus libre que celle-ci. Les maqāmāt sont d’une longueur variable, mais, en général, elles ne dépassent quelques pages.
Elles mettent en scène des personnages et décrivent des situations caractéristiques de la société de l’époque. Elles abordent ainsi les mœurs, les rapports entre les différentes couches sociales, l’activité économique et intellectuelle des centres urbains tels que l’Egypte, la Syrie, l’Iraq, et la Perse au 10ème siècle. L’auteur est un très bon observateur de l’homme et des évènements de la vie sociale. Nous trouvons dans ces récits le petit peuple, les truands, la bourgeoisie ainsi que les lettrés .
L’autonomie de la maqāma :
Comme nous l’avons déjà dit, les maqāmāt d’al-Hamadānī ne nous sont pas parvenues dans leur totalité. En effet, cinquante-deux maqāma seulement sur quatre cents environ sont à notre disposition. Chaque maqāma étant indépendante de l’autre, il n’y a pas de problème de compréhension dû au manque de continuité. Nous ne sommes pas sensés avoir lu une maqāma pour en comprendre une autre. Chez al-Hamadānī la maqāma est le moment où le narrateur ‘Īsā Ibn Hišām raconte l’aventure qu’il vient de vivre et les leçons qu’il en tire indépendamment de l’aventure précédente . Dans chaque maqāma le narrateur est vierge de l’expérience passée. Une sorte d’amnésie frappe les personnages de la maqāma qui redécouvrent à chaque fois ce qu’ils sont sensés avoir appris auparavant. A titre d’exemple, nous citons le personnage aux mille visages, Abū l-Fath, qui est néanmoins facilement reconnaissable grâce à son apparence et son éloquence par le lecteur, mais qui reste à chaque fois, une surprise pour le narrateur, ‘Īsā Ibn Hišām. Ce qui diffère d’une maqāma à l’autre, c’est la manière dont le narrateur reconnaît le héros. Tantôt il le reconnaît par le biais de son apparence, tantôt par celui de ses paroles.
Ceci nous amène à affirmer qu’il n’y a aucun moyen de classer chronologiquement les maqāmāt. Cependant, nous pouvons relever des éléments qui nous permettent de dire globalement lesquelles sont situées dans la période de jeunesse ou de vieillesse. En effet, l’âge de nos protagonistes est un élément révélateur car tantôt ils apparaissent jeunes tantôt plus âgés. Nous constatons leur jeunesse dans les énoncés suivants : « ittafaqa lī fī ‘unfuwāni l-šabībati huluqun sağīhun wa ra’yun sahīh /en la fleur de ma jeunesse, se rencontraient en moi à la fois une humeur débonnaire et un jugement fort » , « Laysa fīnā illā amradu bikru-l-āmāli / Le groupe ne comptait que des personnes encore imberbes et dont l’expérience était intacte ». Quant à leur âge avancé, il apparaît alors, décrivant Abū l-Fatḥ « id dahala kahlun qad ġabbara fī wağhihi l–faqru Je reçus la visite d’un homme mûr dont l’indigence semblait avoir saupoudré son visage de poussière ».
Cela nous amène à dire que toutes les maqāmāt où nos protagonistes paraissent jeunes précèdent logiquement les maqāmāt où ils paraissent âgés. Signalons aussi que ‘Īsā Ibn Hišām et Abū l-Fath al-Iskandarī sont de la même génération. Dans Al-maqāma al-balhiyya, ‘Īsā Ibn Hišām se décrit en disant « wa anā bi ‘udrati l-šabābi / Dans la fleur de ma jeunesse » puis, quelques lignes plus loin, Abū l-Fath al-Iskandarī est décrit par le narrateur en étant « šābun fī zayyi mil’i l-‘ayni / un magnifique jeune homme ».
Extrait du Mémoire de Master de Dandan Rayane: Le thème du voyage dans quelques maqâmât d'al-Hamadhâni. Sorbonne Nouvelle, 2007. Sous la direction de S. Benbabaali
Comme nous l’avons déjà dit, les maqāmāt d’al-Hamadānī ne nous sont pas parvenues dans leur totalité. En effet, cinquante-deux maqāma seulement sur quatre cents environ sont à notre disposition. Chaque maqāma étant indépendante de l’autre, il n’y a pas de problème de compréhension dû au manque de continuité. Nous ne sommes pas sensés avoir lu une maqāma pour en comprendre une autre. Chez al-Hamadānī la maqāma est le moment où le narrateur ‘Īsā Ibn Hišām raconte l’aventure qu’il vient de vivre et les leçons qu’il en tire indépendamment de l’aventure précédente . Dans chaque maqāma le narrateur est vierge de l’expérience passée. Une sorte d’amnésie frappe les personnages de la maqāma qui redécouvrent à chaque fois ce qu’ils sont sensés avoir appris auparavant. A titre d’exemple, nous citons le personnage aux mille visages, Abū l-Fath, qui est néanmoins facilement reconnaissable grâce à son apparence et son éloquence par le lecteur, mais qui reste à chaque fois, une surprise pour le narrateur, ‘Īsā Ibn Hišām. Ce qui diffère d’une maqāma à l’autre, c’est la manière dont le narrateur reconnaît le héros. Tantôt il le reconnaît par le biais de son apparence, tantôt par celui de ses paroles.
Ceci nous amène à affirmer qu’il n’y a aucun moyen de classer chronologiquement les maqāmāt. Cependant, nous pouvons relever des éléments qui nous permettent de dire globalement lesquelles sont situées dans la période de jeunesse ou de vieillesse. En effet, l’âge de nos protagonistes est un élément révélateur car tantôt ils apparaissent jeunes tantôt plus âgés. Nous constatons leur jeunesse dans les énoncés suivants : « ittafaqa lī fī ‘unfuwāni l-šabībati huluqun sağīhun wa ra’yun sahīh /en la fleur de ma jeunesse, se rencontraient en moi à la fois une humeur débonnaire et un jugement fort » , « Laysa fīnā illā amradu bikru-l-āmāli / Le groupe ne comptait que des personnes encore imberbes et dont l’expérience était intacte ». Quant à leur âge avancé, il apparaît alors, décrivant Abū l-Fatḥ « id dahala kahlun qad ġabbara fī wağhihi l–faqru Je reçus la visite d’un homme mûr dont l’indigence semblait avoir saupoudré son visage de poussière ».
Cela nous amène à dire que toutes les maqāmāt où nos protagonistes paraissent jeunes précèdent logiquement les maqāmāt où ils paraissent âgés. Signalons aussi que ‘Īsā Ibn Hišām et Abū l-Fath al-Iskandarī sont de la même génération. Dans Al-maqāma al-balhiyya, ‘Īsā Ibn Hišām se décrit en disant « wa anā bi ‘udrati l-šabābi / Dans la fleur de ma jeunesse » puis, quelques lignes plus loin, Abū l-Fath al-Iskandarī est décrit par le narrateur en étant « šābun fī zayyi mil’i l-‘ayni / un magnifique jeune homme ».
Extrait du Mémoire de Master de Dandan Rayane: Le thème du voyage dans quelques maqâmât d'al-Hamadhâni. Sorbonne Nouvelle, 2007. Sous la direction de S. Benbabaali
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