Saadane BENBABAALI, ancien Maître de Conférences UNIVERSITÉ SORBONNE PARIS 3
jeudi 8 octobre 2009
Qursân ighannam
Je donne ci-dessous une partie de l'étude présentée lors de la Table ronde sur la poésie classique organisée à l'Université Paris 3 en Novembre 2008.
Saadane Benbabaali
Étude thématique et lexicale
Ce poème a non seulement retenu l’attention de chanteurs-interprètes comme Guerrouabi, mais il est devenu très populaire dans le paysage musical “cha‘bî “.
Le sujet du poème est annoncé par le refrain qui ouvre le poème:
Qursân ighannam
Jâb ‘aljât akhwâs man hawz Malta
Al-kull ‘azbât sallmû k-yâqûtât.
C’est un corsaire qui a ramené comme butin
De belles et nobles étrangères de la ville de Malte
Toutes ces vierges qui se sont livrées sont de véritables hyacinthes
Il s’agit de l’attaque de la ville de Malte par des corsaires musulmans et la prise d’un butin très particulier: des vierges chrétiennes.
A. Le voilier et les corsaires
Les scènes sont décrites de l’intérieur, nous avons affaire à ce qu’on appelle “la focalisation zéro”. Le narrateur connaît tout de l'histoire racontée, il est « omniscient ». Rien n’échappe à son regard : ni les détails du voilier, ni les tâches du capitaine et de ses marins, ni les péripéties du voyage, de l’assaut et de la victoire finale avec son fabuleux butin.
Le bateau prend le large et déploie sa bannière (‘alam) : Qursân i‘allam
C’est un magnifique une frégate sans doute, d’une grande perfection, équipée de trois-mâts et de seize voiles:
Makmûl amsaggam:
Lîh talt aswârî (trois-mâts)
Sattâch mn-al-qlû‘(seize voiles )
C’est un véritable objet d’art tout incrusté de pierres précieuses: feuilles d’or, perles et joyaux.
Masnû ‘ mn al-wrîq al jumân wa-l-tqât
Rapide, il fend les flôts depuis qu’il a quitté son port d’attache à Tarifa au sud d’al-Andalus avec un équipage énergique:
Fi-l-mûj iqassam
Man Zrîfa qalla‘wal-qûm nashta
Le voilier est en de bonnes mains parce que le capitaine est compétent et connaît tous les secrets de la navigation. Bien équipé, depuis sa cabine, il mène son bâteau d’une main de maître:
Ar-râyis nâjam (le Raïs est compétent)
Haqq ba-ramliyya, busla w-karta
(il vérifie sa position avec sextant, boussole et carte)
Fî qalb al-qamra mqayyad yadrî lawqât:
de sa cabîne, il trône et maîtrise les évènements
Sa compétence lui assure l’obéissance et l’allégeance de ses deux mille marins. Il peut alors être rassuré et savourer le pouvoir qu’il détient sur les hommes:
Idhâ yatna‘amm: il peut savourer ce moment
Alfîn mn-al-bahriyya lih shârta: car deux mille marins lui sont dévoués
B. L’assaut victorieux et le précieux butin
Le poète qui a su introduire son auditeur dans le monde des corsaires va le faire assister à l’assaut avec le bruit des canons, les images de destruction et la reddition de l’ennemi:
• L’arrivée au large de Malte: les manoeuvres sont décrites avec concision, justesse et précision: on commence par ramener les voiles
Mahmâ qabal jdâr-hâ al-qlû‘trassat
Quand le murailles furent en vue, les voiles furent ramenées
• Le combat : il s’engage avec rapidité et violence. L’image du Jugement dernier est mobilisée pour décrire le climat de terreur qui règne dans la ville et ses environs assaillis par les corsaires. La ville de Malte est dévastée:
Yûm al-hashr al-kbîr la—mhâsî wa mrâyât:
En ce jour de Jugement Dernier, les miroirs (aveuglants et incendiares(?) entrent en action
Al-kûr atkallam:
Les canons tonnèrent ( mot à mot : les boulets parlèrent)
Fa‘fa‘al-m’dâyan, al-jbâl wa-l-wtâ
Et semèrent la terreur en ville, sur les montagnes et dans les vallées
Kharrab mdînat Malta ba-l-qahr twattât
La ville de Malte fut dévastée elle fut soumise par la violence
• La reddition et le butin: une strophe entière va évoquer la reddition de l’ennemi et la remise de la rançon:
Astâ‘at la-‘jâm
Les étrangers se rendirent
Ijât al-h’diyya man labnât habta
R’dâw al-ghulb sallmû wa ghnamnâ la-bnât
La rançon nous fut livrée: des jeunes filles descendirent
Ils acceptèrent leur défaîte et nous eûmes comme butin ces jeunes filles
Pour présenter ces femmes et magnifier leur beauté, Muhammad Lahlou mobilise une somme de termes courants dans la poésie amoureuse pour désigner la bien-aimée. Les captives se caractérisent par:
• Leur origine: des étrangères blanches : ‘aljât
• Leur âge: ce sont de jeunes vierges abnât, ‘azbât, khûdât, ‘awârim
• Leur démarche ferme: mashya m’rahta
• Leurs coiffures: les cheveux parfumés de musc ou retenus par de petits peignes:
ba-msûk mashta
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2 commentaires:
ya khouya Saadane,"qursan ighanem" est ,à mon avis,la pièce emblématique du chaabi qui séduit et par son texte et par les mélodies qui l'accompagne.
La qualité de tes traductions ne fait que rehausser un peu plus l'immense estime que je porte à ce genre de qacida.J'attends toujours avec impatience de lire tes analyses et traductions.Mes plus chaleureuses salutations.
Merci infiniment pour la traduction de ce merveilleux poème dont j'écoute souvent la version chantée par Guerouabi Allah yerrahmou. J'aurais aimé avoir des informations sur l'auteur. Une petite remarque sur le terme Yâqoût, qui, en arabe dialectal désigne une pierre précieuse (le saphir) plutôt qu'une fleur, wallahou a3lem! Bonne continuation!
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