mercredi 3 juillet 2019

Le Coran et ses exégèses


Lecture historique et texte sacré, le cas du Coran et de ses exégèses.

Le Coran

Le temps de la révélation :
Le début : 610
Période mecquoise 610- 622
-             615 : expéditions en Abyssinie
-             619 :  mort de deux  soutiens importants de Mohamed
-             622 : Hégire

Période médinoise :  622-632
-             Installation : coexistence pacifique
-             Escarmouches :  combats contre le Mekkois
-             Problèmes avec les Ansar
-             Problèmes avec les juifs
-             Problème avec les tribus bédouines
-             Victoire sur les Mekkois
-             Incertitude de Hunayn

Évolution du statut de Mohamed : mundhir, rassoul, nabiyy

Lieu de la révélation : Hédjaz, Espace limité :
-             La cité de la Mecque
-             L’oasis de Médine

Forme de la conservation :
-             Orale
-             L’Écriture problématique




Objet de croyances de millions d’hommes répartis sur une immense partie de la planète, le Coran est avant tout un texte sacré. Le musulman y puise une explication du monde, des règles de comportement et des pratiques rituelles. Considéré par les musulmans comme la dernière parole révélée par Dieu aux hommes, ceux-ci insistent sur sa perfection. La seule attitude admise par le croyant aujourd’hui est celle qui consiste à appliquer tout ce que le Coran recommande.

Mais le Coran ne nous est pas parvenu seul. Il est accompagné de deux documents que le musulman est en devoir de consulter : le hadith prophétique et les exégèses. Le croyant peut  trouver dans le premier recueil les témoignages rapportant les paroles, faits et gestes de Muhammad (Mahomet). Qu’il soient authentiques ou non, le musulman y trouve un modèle de comportement. Quant aux exégèses, elles lui fournissent les commentaires nécessaires à la compréhension d’un texte dont la langue et les référents lui sont devenus inaccessibles.

La situation de l’historien diffère de celle du croyant en ce qu’elle instaure dès le début un rapport de distanciation avec l’objet de son étude. Croyant ou non, l’historien essaiera de réfléchir sur un texte qui date d’une époque et qui a été produit en un lieu précis.



Combats autour du sens


Quand l’exégèse se penche sur le Coran, celui-ci est déjà sorti du cadre limité dans lequel il est apparu : Le Hedjaz  et Médine.

La lecture historique dispose de plusieurs objets d’études
- un texto clos : le Coran
- une multiplicité de textes « explicatifs » :  les exégèses
Des documents sur la vie du Prophète : hadiths, maghâzî, Sîra d’Ibn Hicham
-         -  Une langue ancienne présente:
1.      Dans la poésie antéislamique
2.      Dans les dictionnaires médiévaux
-              Des témoignages sur la société tribale pré-islamique :
-             Ayyâm al-‘Arab
-             Des récits de voyageurs modernes comme ; Ch. Doughty, Thesiger, Lawrence, Jaussen…

Si le Coran n’a cessé de susciter la production d’exégèses,  de gloses,  de Commentaires et de traductions,  les lectures proprement historiques le concernant sont pratiquement inexistantes. Pourquoi?



Questions à propos de la lecture historique


·  Qu’appelle-t-on lecture historique ?

À quel genre de lectures s’oppose la lecture historique ?
·          
·Quelles sont les autres lectures possibles ?
·
·    Qui est capable/ habilité de faire une lecture historique ?
·
·     Une lecture historique  est-elle définitive ? Est-elle remise constamment en question ?

 Quels sont les résultats visés par la lecture historique ?
·
·           Dans quelles conditions ses résultats peuvent-ils être remis en question ?
·
·           À quels obstacles se heurte la démarche de l’historien des textes sacrés ?

·    Peut-on faire une lecture historique d’un texte sacré ?

·           Lecture historique et lecture des représentations.
·
·     Véritable entreprise archéologique tendant à mettre à jour des mentalités enfouies ou des tonnes de gloses,  de commentaires tendant volontairement ou non à effacer le contexte initial.




Lecture historique et texte sacré: Le cas du Coran et de ses exégèses


 La lecture historique est différente de la lecture du croyant. Elle tient compte de deux données :  le temps et l’espace.
 Nécessité de la distanciation :
-              Etude du terrain : ne pas se tromper d’espace de la langue  c’est à dire la langue des tribus ;
-              de représentations locales :  récit de voyageurs
-              des influences : vraisemblable ou non.
-              Problèmes de chronologie : strates plutôt que classement sourate par  sourate
-              mise en contexte
-              vraisemblable ou pas dans un certain contexte ;
-              le travail a été fait pour la Bible :  Botero et « la naissance de Dieu »


 Les objets d’études : le Coran plus les exégèses
-              les matériaux : poésie antéislamique, hadiths, maghâzî, Sîra d’Ibn Hicham,  le Lisân,  les récits de voyageurs

 La méthode :  questions
-              Qu’est-ce qu’un texte sacré ?
-             À qui s’adresse-t-il ?
-              Dans quelles conditions a-t-il été produit ?
-             Comment a-t-il été recueilli ?
-             Comment a-t-il été fixé ?
-             Comment a-t-il été ordonné ?
-              Quelle est  sa fonction ?
-              Quelle est  la spécificité du Coran en tant que texte sacré par rapport aux autres écritures sacrées ?
(Il est, par exemple,  différent de la Torah qui est un texte réécrit et
des Évangiles écrits/ dictés par des apôtres  et concernant plutôt les paroles et gestes  du Christ )
-              Objet de croyance, le texte sacré admet-il une approche historique ?
-              À partir de quelle période s’est-on mis à l’expliquer ? À le commenter ?
-              premièrement : le Coran des tribus
-              deuxièmement le Coran de l’exégèse ;
-              troisièmement le Coran dans la société moderne :  islamistes,  convertis,  sympathisants chrétiens.
Le problème des traductions :  une lecture qui n’énonce pas son point de vue.
 Texte éternel ?
 Il existe des documents très anciens (septième/ huitième siècles) non consultables. 




Exégèse

L'Exegèse est apparue plus tardivement : le Coran est déjà sorti non seulement du Hidjaz,  mais de  l’Arabie.

Tabarî reprend les commentaires antérieurs qui doivent dater du milieu du huitième siècle.

-             À quel moment de l’histoire naît l’exégèse ?
-             Quelles sont les nécessités historiques de son apparition ?
-             Quelles étapes a-t-elle traversées ?
-             Y a-t-il plusieurs exégèses ?  lesquelles ? (Tabari, Razi, Ramakhchari, Ibn Arabi…)

Combats autour du sens :
  •  Enjeux sociaux et politiques
  •  Rôle des isnad
  •  Rôle de certaines figures : Ibn Abbas, ‘Aicha, Compagnons, ‘Ali…
  •  Les exégèses sunnites, chiites et soufis

Comment procède-t-on ?
  • Décontextualisation/  atomisation
  • Mythification : figure du prophète + eschatologie
  • Mise en parallèle des ikhtilfât

 Les lectures perdues :  volontairement ou non

 Fonction de l’exégèse :
  •  Répondre aux questions du croyant
  •  Ne rien laisser dans l’ombre
  •  Anecdotiser
  •  Nommer les protagonistes




Plan

 Introduction :
 Spécificité du Coran en tant que texte sacré.
 Si le Coran a été l’objet de multiples exégèses,  il n’a pas encore été sérieusement abordé par l’historien.
 Une lecture historique du Coran reste à faire.
 Si pour le croyant, le Coran est un message divin destiné à lui enseigner un comportement,  une conduite, des rites pour gagner l'au-delà, 
 L’exégète est un intermédiaire  entre le texte sacré et les croyants. Mais cette entremise n’est pas à l’abri d’enjeux sociaux et politiques.
 L’historien essaye de se soustraire à l’exigence des croyants, aux injonctions des pouvoirs en place  et surtout à ses convictions personnelles.  C’est une tâche titanesque qui permet le comprendre la rareté de travaux réellement historiques.
Faut-il s'avouer vaincu ? Abandonner une tâche impossible à réaliser ? Se contenter des discours des exégètes, des idéologues, des meneurs de foules  et les défenseurs des pouvoirs de toutes sortes ?

 Cependant, l’encouragement vient du fait  qu’il existe des études historiques pour d’autres croyances comme :
 Les travaux sur les mythes Grecs  entrepris par Jean-Pierre Vernant et son équipe.
 Mais on pourrait dire que cela est plus facile parce que ces mythes  ne sont plus  l’objet de croyances.
 Les travaux sur la Bible.
 De toute façon, l’historien ne se pose pas la question de la légitimité de son travail mais de la possibilité de l’entreprendre.
Ses questions concernent plutôt :
 L’objet de son étude
 Les matériaux disponibles
 La méthode à suivre

 L’historien rencontrera forcément sur son chemin  les travaux des exégètes  qui se sont donnés pour objet d’étude le Coran. Quelle doit être son attitude par rapport à eux ?

 Dans ce combat pour le sens, l’historien et l’exégète sont-ils deux ennemis inconciliables  ou bien existe-t-il un terrain commun de communication ? Le rapport est-il un rapport d’exclusion ou de complémentarité ?

 Entreprendre une lecture historique d’un texte sacré comme le Coran est une tentative périlleuse parce que pratiquement inédite. Pourtant il ne manque pas d’ouvrages qui,  essentiellement depuis le 19e siècle, tentent d’aborder le message coranique d’un point de vue historique.  Ainsi Noldeke, Muir, Weil ont tenté réfléchir au moins sur le problème de chronologie des sourates coraniques. Mais à l’examen,  leurs propositions s’avèrent sur ce plan  très proches des autorités traditionnelles musulmanes.

 Depuis que le Coran est sorti du Hidjaz puis d’Arabie,  il a été l’objet de commentaires tendant à présenter aux croyants le sens des versets  révélés.
 La lecture exégétique est une lecture à posteriori :  Elle explique un avant par un après,  un amont par un aval.  L’idée d’évolution dans les représentations est totalement écartée,  mis à part le problème des versets abrogeants et abrogés.  En cela elle diffère de la lecture des contemporains de la révélation qui recevaient le message par bribes  et pour qui le Coran était «un texte en cours de production»  sur lequel pesait le risque  d’être brusquement interrompu.

 Références

Chelhod, Le sacré chez les Arabes, Paris : G.-P. Maisonneuve et Larose , DL 1965
M. Bucaille, La Bible le Coran et la science, Pocket, Paris 2011
Hichem Djait, La grande discorde, Paris, Folio, 2008.
M. Watt, Mahomet à la Mecque
M. Rodinson, Mahomet, la fascination de l’islam
Botero, Naissance de Dieu
Thésiger, Le désert des déserts
Doughty, Arabia Deserta
Lawrence, Les sept piliers de la sagesse
Jaussen, Les arabes au pays de Moab
Tor Andrae
Noldeke
Weil
Art. Kur’an E. I.



Conclusion

Si l’historien arrive à :
-               Délimiter d’une part rigoureusement son territoire
reconstruire un contexte social
-               Rétablir l’ensemble des représentations locales contemporaines  de la révélation coranique
-               Construire les champs sémantiques  et les distributions de sèmes à  l’intérieur de ces champs,
Il pourra
-               mieux apprécier ce qu’a pu être  la lecture initiale des tribus ;
-               comparer cette lecture avec celle des exégèses  permettant ainsi de comprendre à  quelles préoccupations,  à quels impératifs elles répondent ;
-               expliciter les à-priori  sur lesquels sont fondées les traductions successives du Coran ;

 Mais il est sûr que rien est acquis de manière définitive puisque le terrain est fertile en découvertes :
-               Nouveaux documents
-               Etude plus sérieuse du corpus linguistique Coranique



 Notes, Plan et extraits de la dissertation de Saadane Benbabaali au concours d'Agrégation (année 1991.)
Source principale: les cours d'agrégation de Mme Jacqueline Chabbi,  année 1990-91


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